lundi 27 août 2012

Les rites maçonniques égyptiens au Grand-Orient de France


Le Rite Egyptien au Grand Orient de France, une voie spirituelle de Christian Perrotin, Editions Dervy.

Que faut-il penser d’un ouvrage préfacé par Alain Bauer, un éminent « monsieur Sécurité » de Nicolas Sarkozy, par ailleurs Franc-maçon actif, et postfacé par l’un des hermétistes les plus rigoureux et les plus intéressants d’Europe, François Trojani. Ce grand écart, dans lequel s’insère le travail de Christian Perrotin, indique très exactement la problématique posée par le récent intérêt du Grand-Orient de France pour les rites maçonniques égyptiens.
Le livre d’abord : Christian Perrotin offre un travail synthétique de qualité, désireux de donner une cohérence, et c’est louable, à la démarche.
Le sommaire insiste sur les éléments historiques et introduit aux sujets de fond : La relation de l'homme à la nature, à l'univers, à la divinité - 1862, le Grand Orient de France accueille le Rite Ancien et Primitif (Contexte historique / Contexte maçonnique / Les débuts du Rite Égyptien / Le Rite de Memphis / Le Rite de Memphis intègre le Grand Orient de France / Transmission du Rite de Memphis en 33 degrés aux États-Unis, à l'Angleterre, à l'Irlande / Le Rite de Misraïm intègre le Grand Orient de France / La réunion des rites de Memphis et Misraïm)  - Histoire récente du Rite au sein du Grand Orient de France (Les raisons du réveil du Rite Égyptien au Grand Orient de France / Les modalités de réveil du rite / Les étapes réalisées) - Spiritualité et hermétisme au Grand Ordre Égyptien du Grand Orient de France (Démarche initiatique et démarche sociétale s'opposent-elles? / Les outils du franc-maçon / L'Égypte ancienne / La Grèce antique / La Renaissance / L'astrologie / La kabbale / L'alchimie - Relations avec les autres rites…
Le point historique essentiel, très détaillé dans ses pages, reste le réveil des rites égyptiens au sein du Grand-Orient de France à partir d’une filiation américaine du Rite de Memphis en 33 degrés venue de Harry J. Seymour en 1862, rite que John Yarker devait plus tard remodeler.
L’ouvrage rend compte dans le détail du « réveil » au sein du G :.O :. De F :. de ce rite. Il y est question beaucoup d’administration, de points de légalité maçonnique et, avant tout, de politique et de diplomatie. « Décider du réveil d’un rite est un acte politique majeur » explique l’auteur. Or, il n’y a rien de plus toxique pour l’initiation que la politique.
Venons-en à la problématique de ce réveil et à l’auto-légitimisation douteuse qui nous est proposée par le Grand-Orient. Il y a d’abord les raisons qui justifient ce réveil. Le Grand-Orient aurait pris acte de la déliquescence des rites égyptiens suite à l’éclatement bien réel de l’Ordre de Memphis-Misraïm. Il se pose ainsi en « sauveur » des rites égyptiens. C’est oublié bien vite que l’histoire des rites maçonniques égyptiens depuis deux siècles fut toujours très agitée, sans que cela ne nuise à leur permanence et à leurs travaux. La culture maçonnique égyptienne, qui est, ne l’oublions pas, au service de praxis rigoureuses (notamment inscrites dans les quatre derniers grades de l’Echelle de Naples), supporte certes mal les lourdeurs administratives, les protocoles et procédures, le nombre et les visions conformistes, mais elle est éminemment vivante et n’a aucunement besoin d’être sauvée, surtout par un carcan administratif comme savent si bien en construire les grandes obédiences. Quelles garanties de stabilité celles-ci offrent-elles ? Faut-il rappeler les pugilats aux convents annuels du G :.O :., qui aboutissent devant les tribunaux profanes, les luttes de pouvoir, les problèmes de gestion… ? Il n’y aurait pas d’agitation au Grand-Orient de France ? D’ailleurs, après seulement quelques années d’activité, Christian Perrotin avoue déjà avoir dû faire face au sein de son rite à quelques remous qu’il attribue curieusement à « d’anciennes habitudes du rite », plutôt qu’aux conditionnements courants de l’humain, maçon ou non.
Les reproches faits aux rites maçonniques égyptiens historiques par le G :. O :. sont légion. Nous trouvons, pêle-mêle : le système traditionnel pyramidal, la cooptation, la non-séparation des pouvoirs entre les grades bleus et les hauts grades, l’absence d’obédience… auquel Christian Perrotin oppose le vote démocratique et l’élection. Curieusement, les protagonistes de cette aventure prône l’élection par vote démocratique, pourquoi pas l’élection véritablement traditionnelle qui est, rappelons-le un tirage au sort.
Citant Ludovic Marcos et Jean-Louis de Biasi, est dénoncé également « Le parasitage de la maçonnerie égyptienne par des structures qui lui sont étrangères… ». Il évoque ainsi « les liens avec les systèmes paramaçonniques, qui n’ont rien d’historiques si l’on remonte aux fondateurs des différents rites égyptiens… ». Nous pouvons supposer qu’il s’agit des ordres rosicruciens, martinistes, pythagoriciens, égyptiens non maçonniques ou autres, dont les membres n’ont cessé de croiser les rites maçonniques égyptiens pour tisser ensemble toute l’histoire de l’hermétisme européen depuis plus de deux siècles. Plusieurs responsables de ce réveil des rites égyptiens au sein du G :.O :. ont d’ailleurs des appartenances voire des responsabilités aujourd’hui même au sein de ces systèmes dits « parasites ».
Il ne s’agit pas de douter de la sincérité de la démarche des frères qui se sont lancés dans ce projet. Nous mettons en évidence ici les contradictions que soulèvent les raisons avancées pour justifier de ce projet. L’obédience politique du G :. O :. de France a vu dans le morcellement actuel d’un OMM qui avait grandi trop vite et abusivement (de l’aveu même de Gérard Kloppel), cause principale de son éclatement, une opportunité d’occuper l’espace et de s’approprier les rites égyptiens. Car en effet, le G :.O :. condamne globalement tous les rites maçonniques égyptiens dans le monde, et prône l’adoption par tous du modèle administratif du G :. O :., seul capable d’apporter « la sérénité », alors que certaines branches égyptiennes étaient déjà actives quand le G :.O :. de France prenait difficilement forme. Nous avons une sorte d’Offre Profane d’Achat sur un rite initiatique ancien.
Il y a toutefois un point très positif dans ce projet. On parle enfin très officiellement dans les temples du G :.O :. de kabbale, d’alchimie, d’astrologie… de ces sciences et arts traditionnels qui ne sont au mieux rue Cadet qu’un sujet d’études historiques. Il est difficile de dire ce que ce projet donnera à moyen terme, la présence de François Trojani en fin d’ouvrage et la bonne volonté d’un grand nombre de frères, suscitent quelques espoirs. Ce que l’on peut toutefois affirmer, c’est que les rites maçonniques égyptiens, hors G :. O :., poursuivent le travail hermétiste opératif, dans des conditions semblables à celles des deux siècles précédents, c’est-à-dire loin du nombre et de la contrainte administrative, et ce malgré les inévitables agitations humaines.
La question de la légitimité historique ne mérite même pas d’être abordée. En matière d’hermétisme, la légitimité est seulement opérative et silencieuse.
Editions Dervy, 19 rue Saint-Séverin, 75005 Paris, France.

vendredi 17 août 2012

Le Tableau de Loge (suite)


Le plan secret d’Hiram. Fondements opératifs et perspectives spéculatives du tableau de loge de Jean-Michel Mathonière, Editions Dervy.
Jean-Michel Mathonière est un historien du Compagnonnage et plus particulièrement des Compagnons tailleurs de pierre. Vous trouverez ses travaux sur le site www.compagnons.info
Ce travail fut publié une première fois en 1998 à La Nef de Salomon sous le nom d’emprunt de Marc-Reymond Larose.
Jean-Michel Mathonière insiste sur « la nécessité » de ne pas confondre compagnonnage et franc-maçonnerie, sur le fait qu’il s’agit de sociétés initiatiques qui sont très différentes l’une de l’autre et que leur « parenté » est davantage illusoire que réelle ». Son essai, qui traite du tableau de loge tant du point de vue spéculatif que sous l’angle opératif, n’en est que plus intéressant. Il évite les « terribles simplifications ».
Le tableau de loge tient une place essentielle dans le rituel maçonnique. Il est à la fois la synthèse et le révélateur des arcanes du rite, de manière plus ou moins marquée d’un rite à l’autre. Jean-Michel Mathonière note une certaine confusion quant aux interprétations d’un même tableau là où la cohérence est attendue. Il pose d’abord la question « de la nature réelle de la relation opératif/spéculatif » et cherche à clarifier les relations, les influences, les emprunts ou les usurpations entre Franc-maçonnerie et Compagnonnage. Il se demande notamment « si le tableau de loge maçonnique ne résulte pas d’une superposition/confusion de deux éléments à l’origine distincts dans le cadre opératif : le tracé géométrique sacramentel et le tableau emblématique (Rôle) de la société. ».
Après un rappel iconographique qui met en évidence la complexité de la question, il étudie la structure géométrique et spatiale du tableau de loge, les éléments du tableau dans une structure de plans superposés (plan spatial et cosmologique, plan architectural, plan « opératif », plan religieux), la planche à tracer des maîtres ou le plan de la Jérusalem Céleste et enfin le tableau de loge en tant que système d’art de mémoire. Son propos, rigoureux, permet de rectifier nombre d’erreurs courantes en loge ou dans des ouvrages maçonniques de référence. Exemple :
« Le petit édifice représenté au centre du tableau est unanimement interprété comme étant la figure de la Chambre du Milieu, lieu où se réunissent les Maîtres Maçons – ce qui permet d’assurer le fragile lien avec le troisième degré.
En réalité, dans le contexte opératif, l’absurdité de cette interprétation ne fait aucun doute : il s’agit en fait de la représentation d’une maquette d’architecture, celle du temple, et donc par analogie, du temple lui-même (que ce soit celui de Salomon, celui du Christ ou celui à venir). Ce qui implique que, de ce point de vue, la loge ne se tient pas dans le temple, mais sur le chantier qui est autour de lui, et que les Maçons assemblés ont comme préoccupation centrale le projet d’un édifice (maquette, planche à tracer, règle et Géométrie occupent le centre-Milieu du tableau). »
Une lecture attentive de ce travail, conjointe aux deux ouvrages que nous vous avons déjà présentés, Voyages dans les Tableaux de Loge, histoire et symboles de Dominique Jardin, Editions Jean-Cyrille Godefroy et Anatomie des tableaux de Loge, sous leurs formes symboliques et allégoriques de Percy John Harvey, Editions Dervy, permettra de renouer avec la fonction du tableau de loge qui est de fixer l’orientation, que cela soit dans un procès spéculatif ou dans un procès opératif.
Editions Dervy, 19 rue Saint-Séverin, 75005 Paris, France.

jeudi 16 août 2012

" Opérons-donc ! "

Louis-Claude de Saint-Martin et les Anges de Jean-Marc Vivenza, Editions Arma Artis.
Nous émettrons un avis partagé sur ce travail. D’une part, il offre un exposé utile et nécessaire de l’angéologie saint-martinienne qui diffère notablement des angéologies classiques. D’autre part, il insiste avec justesse sur la traversée des formes dualistes pour atteindre la conscience non-duelle originelle avec une très bonne intuition quand il fait référence aux « deux néants » de Maître Eckhart. Jean-Marc Vivenza pressent l’enseignement de Saint-Martin comme une possible voie directe, ce que nous avons-nous-mêmes établi à plusieurs reprises et en différents cadres.
Mais, il ouvre malheureusement avec ce livre une polémique aussi stérile que regrettable. En effet, il reprend un propos hostile à la théurgie de l’Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l’Univers et, plus largement, hostile à la pratique théurgique en général qu’il avait développé sur son site. http://www.societedesindependants.org/
Son argumentation, souvent brillante (nous avons déjà énoncé ici toutes les qualités de l’auteur), puise dans la théologie et se révèle dogmatique dans son expression or nous savons combien la théologie sait se transformer par le dogme en un étouffoir de la Gnose.
Nous opposerons à ce trait regrettable et radical, un autre texte, de Robert Amadou cette fois, qui vient heureusement d’être publié par Renaissance Traditionnelle dans sa dernière livraison (n°165-166). « Opérons-donc ! », c’est le titre du texte en question, fut confié par Robert Amadou, entre autres instructions, à trois instances coëns à qui il demanda, avec force, de reprendre les opérations des Elus Coëns dans les années 1990 car, disait-il, « Il y a urgence. ». Ce texte fait encore partie aujourd’hui du Livret d’Accueil des Elus Coëns de la Loge-Mère Marie de Gonzague de l’Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l’Univers[1]. Il est d’autant plus regrettable que Jean-Marc Vivenza cite à plusieurs reprises Robert Amadou pour appuyer sa thèse, alors même que celui-ci appela avec insistance, avec la prudence qui s’impose, à la pratique théurgique que cela soit celle de l’Anacrise[2], elle aussi suspectée par Jean-Marc Vivenza, ou celle structurée par Martines de Pasqually[3].
Si Louis-Claude de Saint-Martin a abandonné la théurgie coën, ce n’est qu’après avoir réalisé avec succès la totalité des opérations, opérations certes fort complexes, ce qui aura notamment contribué à son passage opératif « à l’interne ». On ne peut abandonner que ce que l’on détient et maîtrise, sinon ce n’est que renoncement. D’une manière semblable, ce serait une erreur de penser que la mystique d’un Jacob Boehme ne prend pas appui sur un travail opératif en laboratoire. Certains textes du second maître de Louis-Claude de Saint-Martin constituent des guides parfaits pour l’alchimie en laboratoire. Si nombreux sont ceux qui confondent les moyens habiles ou « plus qu’habiles » avec la finalité de la queste, Jean-Marc Vivenza tend à confondre la finalité et le moyen en faisant de l’ultime dénuement d’un Saint-Martin, la seule pratique véritable. C’est oublier qu’en Occident comme en Orient, très rares sont ceux qui tombent dans le Grand Réel sans cheminer de manière serpentine. L’argument principal de Jean-Marc Vivenza relève du dogme. Depuis la venue du divin réparateur, les aspects formels seraient en quelque sorte caducs. Il y a là une vision linéaire, temporelle et historique de ce qui traite des états de la conscience jusqu’au « retour » à la conscience originelle. De même, il reste dans une vision courante, assez maçonnique en fait, mais erronée, de la théurgie qui chercherait à « obtenir » alors qu’il s’agit, et c’est particulièrement vrai pour le Culte primitif des Elus Coëns, d’une célébration de ce qui est. Plus encore, il convient de rappeler que c’est moins ce que l’on pratique que la manière dont on le pratique qui se révèle déterminant. Il n’y a pas des objets initiatiques et des objets non initiatiques. Tout un chacun peut, hic et nunc, établir un rapport initiatique (c’est-à-dire non-duel) avec tout objet ou toute pratique.
Seuls ceux qui ont conduit à leur terme, non pas une mais plusieurs fois, la totalité des opérations du sacerdoce coën, restent habilités, avec une nécessaire réserve, à accompagner et commenter cette haute théurgie que Jean-Marc Vivenza voudrait réduire finalement à une magie un peu plus qu’ordinaire. Dans cette condamnation, c’est d’ailleurs tout l’hermétisme européen qu’il rejette. Il reconnaît toutefois du bout des lèvres, ou de la plume, la fonction essentielle de l’intention. C’est en effet, l’intention (le Soi), mais aussi l’Orient (le Soi encore), qui détermine l’axialité d’une pratique.
Ce serait toutefois une erreur de rejeter le travail de Jean-Marc Vivenza dans sa totalité, particulièrement quand il traite des conditions de l’initiation. En insistant sur les préalables à toute théurgie il fait un nécessaire rappel. Nous serons probablement d’accord avec lui pour énoncer que le silence est à la fois l’indispensable condition pour opérer et le lieu-même de l’opération qu’elle soit externe, interne ou ultime. De même, il convient effectivement de ne pas s’attarder sur le phénoménal pour tendre vers l’essence mais le phénoménal est une langue à découvrir, à nous de savoir lire. Et oui, il faut s’affranchir des noms pour atteindre au sans-nom.
Nous invitons ceux qui se sentent concernés par la théurgie coën à une lecture comparée du texte de Jean-Marc Vivenza (pour ses qualités informatives et en écartant les crispations théologiques) et de celui de Robert Amadou (pour son ouverture théurgique avertie), ce sera un excellent exercice pour déterminer s’ils sont prêts à s’engager dans un chemin long et difficile. En effet, il existe d’autres chemins…
« Opérons donc ! »

Renaissance Traditionnelle n°165-166, Actes du Colloque du Tricentenaire de Martines de Pasqually.
Sommaire : Martinès de Pasqually, éléments biographiques par Michelle Nahon - Martinès dans la quête maçonnique du XVIII° siècle : le cas des Philalètes -Découvertes et hypothèses à propos de nouvelles copies par Alain Marchiset et Pierre Mollier - Martinès à l'oeuvre dans la chose : l'Ordre des Elus coëns par Serge Caillet - Louis-Claude de Saint-Martin à l'école de Martinès de Pasqually ; Jean-Baptiste Willermoz à l'école de Martinès de Pasqually : genèse du Régime Ecossais Rectifié par Jean-Marc Vivenza - Sacerdoce du Christ : sacerdoce primitif selon Martinès de Pasqually et sacerdoce des baptisés, par Jean-François Var - Don Martinès de Pasqually, le Rapport Zambault (1766) par Robert Amadou -Opérons-donc ! par Robert Amadou.
Renaissance Traditionnelle, B.P. 161, 92113 Clichy cedex, France.



[1] Pour en savoir davantage sur cette « seconde restauration coën », reportez-vous à la préface de Rémi Boyer au livre Le Grand Manuscrit d’Alger, tome 1 de Georges Courts, publié chez Arqa.
[2] La pratique de l’Anacrise fut proposée avec succès dans certains ordres martinistes, en France, en Italie, au Portugal et en Grande-Bretagne notamment au cours des deux dernières décennies.
[3] Les archives du CIREM conservent plusieurs centaines de lettres de Robert Amadou dont environ deux cents concernent la théurgie coën et l’organisation d’un groupe compétent pour la pratique du culte primitif.

mercredi 15 août 2012

Alchimie : Les Epîtres d'Ali Puli


Les Epîtres d’Ali Puli, Centrum Naturae Concentratum, Sesheta Publications.
La publication de cet essai peu connu sur le Sel met pourtant à notre disposition un texte qui servit de référence chez les alchimistes des XVIIIème et XIXème siècles. La première version imprimée date de 1682, il y en eut plusieurs avant celle de J.W. Hamilton-Jones, datée de 1951, ici traduite. J.W. Hamilton-Jones, affirme se baser sur un manuscrit de 1735.
Le traité est consacré au Sel Régénéré. Dans son introduction, J.W. Hamilton-Jones insiste sur les trois pouvoirs recherchés par l’action du Sel, un pouvoir thérapeutique, un pouvoir transmutatoire actif sur les métaux, un pouvoir de réalisation du Soi.
« Selon mon point de vue, dit-il, ces papiers devraient être étudiés par les amoureux de cette Science, non seulement selon un aspect Spirituel, mais ils peuvent aussi être interprétés physiquement. Il y a des superstructures dans cette Science, qui sont tout autant Célestes que Terrestres, et une compréhension des opérations de la Nature dans son travail physique, peut sans aucun doute assister notre esprit, dans la compréhension des aspects Spirituels, parce que le Macrocosme et le Microcosme sont identiques sur tous les plans sauf en ce qui concerne les degrés. Il n’est pas nécessaire d’être un chimiste qualifié pour suivre et comprendre l’Alchimie. (…)
Avec cet ouvrage comme livre de chevet, on peut suivre la recherche à travers des anciens auteurs, avec des bénéfices considérables et un gain de temps non négligeable. Tous les vrais chercheurs disent qu’il y a trois aspects à ce travail. La teinture physique donne la santé et la longue vie (jusqu’à ce que Dieu rappelle l’âme). Il donne aussi une base pour la transmutation des métaux imparfaits en or et en argent et la possibilité de dissoudre toutes les substances, y compris la plus dure de toutes, le diamant.
Le troisième pouvoir est spirituel et concerne le soi Divin dans l’homme. C’est l’aspect de la Pierre Philosophale dont tous les meilleurs auteurs ont parlé, de préférence aux bénéfices mondains qui sont, dans tous les cas, transitoires, tout comme la vie dans le corps physique est temporaire. »
Le traité, très classique en son approche, offre en effet suffisamment de clarté pour éviter de se perdre dans nombre de textes confus. Avec ce nouveau titre de la Collectanea Rosicruciana, les Editions Sesheta poursuivent avec bonheur leur remarquable projet d’édition de textes rares et nécessaires.
Sesheta Publications,  2 bis rue Damiette, 76000 Rouen, France.

mardi 7 août 2012

Isis et les Enfants de la Veuve


Les Francs-maçons « Enfants de la Veuve » et les mystères d’Isis par Elvira Gemeinde, collection Les Symboles Maçonniques, MdV Editeur.
La permanence de la tradition isiaque trouve l’un de ses prolongements en Franc-maçonnerie, en maçonnerie égyptienne d’évidence mais aussi plus généralement comme en témoigne l’expression « les Enfants de la Veuve » qui désigne aussi les Enfants d’Isis.
Elvira Gemeinde s’intéresse à deux questes essentielles du mythe d’Isis, la recherche du coffre dans lequel le corps d’Osiris fut enfermé par Seth avant d’être jeté dans le Nil, puis la recherche des membres dispersés d’Osiris découpé par Seth en 14, 16 ou 42 morceaux.
La Veuve est celle sans qui le dieu Osiris demeure cadavre (ce qui évoque Shakti et Shiva dans les spiritualités de l’Inde). Elle est le vecteur de la résurrection, un vecteur permanent de tradition en tradition jusque dans le mythe d’Hiram. Elvira Gemeinde voit dans l’expression forte « les Enfants de la Veuve » un rappel à l’indispensable polarité féminine. Elle note que dans le mythe, la « mort » est « inertie, isolement, lassitude et dispersion » soit une perte d’axialité. La Veuve connaît « ce qui n’est pas encore venu à l’existence, c’est-à-dire l’énergie qui demeure une potentialité, elle sait faire apparaître cette énergie en lui donnant forme ; elle possède le moyen de maintenir la vie en la régénérant. ».
Isis, guerrière et magicienne, symbolise aussi l’alternative nomade, le voyage initiatique qui lui permet « de rassembler les membres dispersés de son époux et lui rendre son intégrité ; en faisant cela, elle relie les villes entre elles et reconstitue le corps symbolique du dieu ».  Rassembler, réunir, réanimer sont les trois temps de l’œuvre isiaque, un procès alchimique dans lequel larmes, souffle, sang, verbe, semence et lait, notamment, sont des composants essentiels.
En faisant lien entre la tradition isiaque et la tradition maçonnique, Elvira Gemeinde oriente le lecteur vers une interrogation enrichie des symboles maçonniques, eux aussi trop souvent inertes dans le temple. Ce livre est l’occasion de les rendre vivants par l’action de la « Dame de l’Acacia ».
MdV Editeur, 16 bd Saint-Germain, 75005 Paris, France.

lundi 6 août 2012

Le dépouillement des métaux


Le dépouillement des métaux et l'alchimie du Temple de François Ariès, collection Les Symboles Maçonniques, MdV Editeur.
Sujet d’études courant en loge, la question du dépouillement des métaux est trop souvent traitée avec une déplorable banalité. Il s’agit pourtant de bien autre chose que le simple détachement des biens matériels. Ce livre propose une investigation hermétiste du thème, rappelant la place particulière prise par les maîtres de forge dans les sociétés traditionnelles. L’auteur fait parler les mythes, porteurs d’un enseignement sur les métaux, nés dans les entrailles de la terre. Il s’appuie sur les correspondances classiques entre métaux, dieux et centres énergétiques en l’homme. Il met en avant les principes de l’alchimie opérative pour développer la notion, intéressante pour la Loge, d’alchimie communautaire « c’est-à-dire en tant que science sacrée dont les symboles jalonnent un chemin de Sagesse. »
Et François Ariès de préciser :
« Il est intéressant de noter que le mot « communautaire » serait formé de la particule latine munus, qui signifie « appartenir à plusieurs personnes ou à plusieurs choses », particule issue elle-même d’une racine indo-européenne, mei, signifiant « muer », « changer ». La véritable alchimie ne serait-elle pas en définitive essentiellement communautaire ?
L’alchimie, c’est, d’une certaine manière, prendre ce qui est du temps et en tirer ce qui est de l’éternel. Peut-être n’y a- t-il rien de plus éternel que la création du monde, cet instant où le temps se crée et où l’éternel crée l’espace pour y déployer sa manifestation. »
Cette alchimie ne s’oppose pas à une alchimie solitaire, interne ou de laboratoire. Les deux approches deviennent une dans une vision solaire de l’initiation :
« Selon Jacob Böhme (1575 – 1624), théosophe et mystique allemand, le soleil extérieur a soif du soleil intérieur. Chaque membre de la confrérie est le rayon d’un soleil central d’où tout provient. Celui qui vit de l’éclat du soleil chemine en paix sur les eaux et s’unit au rayonnement des bienheureux. Placée dans les yeux de l’initié, la lumière lui permet de marcher dans la nuit comme en plein jour. »
L’auteur délivre de nombreux éléments pour revivifier le rituel et réhabiliter le travail. Pour cela, plutôt qu’à l’étymologie latine, « tripalium qui signifierait « supplice » », il préfère se référer à l’étymologie de l’Egypte ancienne, au « kat, c’est-à-dire ce qui donne du ka au plus haut niveau, l’énergie royale » pour substituer la sacralisation à la souffrance.
MdV Editeur, 16 bd Saint-Germain, 75005 Paris, France.