samedi 23 octobre 2010

Spiritualité Syriaque

Isaac de Ninive, Connaissance des Pères de l’Eglise, n°119, trimestriel septembre 2010, revue publiée avec le concours du Centre National du Livre, Nouvelle Cité Editions.
Sommaire : Editorial de Marie-Anne Vannier – Isaac de Ninive par Sebastian Brock – Solitude, humilité et souvenir de la mort. Quelques éléments de la doctrine ascétique d’Isaac de Ninive par Hilarion Alfeyev – L’importance du corps dans la prière selon l’enseignement d’Isaac de Ninive par Sabino Chialà – La dette d’Isaac de Ninive envers Evagre le Pontique par Paul Géhin – Le couvent de Rabban Shapour et le renouveau monastique en Perse de Florence Jullien.
Isaac de Ninive tient une place importante non seulement dans la spiritualité syriaque, si chère à Robert Amadou, ou plus largement dans l’Eglise d’Orient, mais dans le christianisme en général. Son enseignement s’appuie sur la tradition évagrienne et sur la tradition macarienne. Il concilie ainsi une approche intellectuelle et une approche existentielle.
Mgr Hilarion Alfeyev, métropolite de Volokolamsk, met en évidence la place de l’humilité dans la pensée et la vie d’Issac, ascète qui ne rejetait pas le monde. Il rappelle que « L’humilité chrétienne est d’abord la confiance en Dieu, la défiance de soi, le sentiment d’être indigne et sans défense, ainsi que celui de la présence du Saint-Esprit caché dans les profondeurs du cœur. » Il cite Isaac :
« Un homme humble ne se précipite jamais, il n’est pas pressé ni troublé, il ne s’échauffe pas ni ne s’abandonne à des pensées emballées, mais il demeure toujours calme. Même si le ciel devait tomber sur terre, l’homme humble n’en serait pas ému. Tous les gens paisibles ne sont pas humbles, mais tous les gens humbles sont paisibles,… car un homme humble est toujours au repos, et rien ne peut agiter ou secouer son esprit. Comme personne ne peut faire peur à une montagne, ainsi personne ne peut faire peur à l’esprit de quelqu’un qui est humble. »
L’auteur de l’article insiste également sur le thème ascétique classique du souvenir de la mort et sur le sens de la vie terrestre : « L’idée majeure de la doctrine du salut d’Isaac, souligne-t-il, consiste en ceci : l’issue de l’histoire humaine doit correspondre à la grandeur de la Trinité, le sort ultime de l’homme doit être digne de la miséricorde de Dieu. ». Il cite de nouveau Isaac : « … je pense que le Glorieux créateur a l’intention de montrer l’aboutissement et l’action admirable de sa grande et inexplicable miséricorde, en ce qui concerne les lourds tourments établis par lui, afin que, grâce à eux, la richesse de son amour, sa puissance et sa sagesse, soient encore davantage révélées, ainsi que la vigueur foudroyante des effluves de sa bonté. ». Solitude, humilité, souvenir de la mort, grâce, davantage que quelques jalons ou valeurs, constituent bien une opérativité pour l’ascète.
Sabino Chialà s’intéresse au corps chez Isaac, notamment dans son rapport, métaphorique et opératif, à la cellule monastique :
« Qu’est donc le corps ? Qu’est donc la cellule ? Rien que des lieux, nous l’avons dit à plusieurs reprises. Des lieux pour contenir l’homme intérieur. Mais nous voyons maintenant qu’il y a plus que cela : ce sont aussi des lieux de l’Esprit et de la rencontre de celui-ci avec l’être créé. C’est l’homme, justement, un des endroits privilégiés de cette rencontre. La prostration, avec le mouvement même qu’elle dessine, confesse cette vérité. En se pliant sur soi et en direction de la terre, l’homme semble se souvenir et affirmer une des idées les plus chères à Isaac, à savoir que c’est à l’intérieur même de l’être que celui-ci trouvera la lumière qu’il cherche. En parlant de la nécessité que l’homme soit sensible à ses péchés, Isaac dit qu’un tel homme « au temps de la ténèbre, trouvera la lumière en lui-même ». Une lumière qui vient d’ailleurs, qui vient de Dieu, mais qui se manifeste dans son homme intérieur. Le geste de la prostration rappelle, même physiquement, ce mouvement « vers soi-même ». »
Ce numéro consacré à Isaac de Ninive peut être l’occasion de découvrir ou redécouvrir toute la profondeur et l’actualité de la spiritualité syriaque, si proche des philosophies de l’éveil. Comme le remarque avec justesse Sabino Chialà : « une des richesses les plus appréciées de la spiritualité syriaque est sa réflexion sur ce qu’on pourrait appeler la dimension intérieure de l’être humain. L’abondance et la variété du vocabulaire qui s’y rapporte en sont le premier témoignage. Dans les écrits des grands mystiques syro-orientaux, en particulier, des mots comme « cœur » - leba’, « intellect » - hawna’, « entendement » - mad’a’, « intelligence » - tar’ita’, et puis encore « âme » - nafsha’, « esprit » - ruha’ et « conscience » - ti’rta’ sont très fréquents et renvoient, de différentes manières, à une sorte de « géographie intérieure » de l’être humain. ».
C’est bien d’une voie du Corps de Gloire qu’il s’agit.
Editions Nouvelle Cité, domaine d’Arny, 91680 Bruyères-le-Châtel, France.