vendredi 9 août 2013

Le RER de Jean-François Var


La Franc-maçonnerie à la lumière du Verbe. Le Régime Ecossais Rectifié de Jean-François Var, collection Bibliothèque de la Franc-maçonnerie, Editions Dervy.

Jean-François Var est un franc-maçon rectifié bien connu et un prêtre orthodoxe. Sa pensée est constituée d’un alliage philosophique et spirituel né de cette double expérience. Préfacé par José A. Ferrer Benimeli, spécialiste des relations entre Eglise et Franc-maçonnerie, l’ouvrage de Jean-François Var développe une sorte de religiosité du Régime Ecossais Rectifié quelque peu enfermante mais tout à fait intéressante en tant que chemin spirituel.

Son premier mérite est, dans un exorde précis, d’éclairer le lecteur sur ce qui fonde sa pensée et sur son intention. Se démarquant de René Guénon, de sa « métaphysique athée » comme de Jean Tourniac, et de son affect », deux personnalités et deux œuvres qui auront toutefois marqué son cheminement, Jean-François Var met aussi en garde contre la tentation templière et propose une doctrine à travers douze conférences, douze textes, qui, précise-t-il « forment chacun un tout, et chacun doit être considéré comme tel, indépendamment des autres ».

Jean-François Var développe et revendique un « parti pris ». Il positionne la Franc-maçonnerie chrétienne dans le cadre de l’illuminisme qui donne sens à l’expression Les Fils de la Lumière. Il évoque les quatre enseignements de la doctrine rectifiée et insiste sur  la fonction de la Résurrection du Christ dans le processus de Réintégration. Il dénonce les sectarismes, à juste titre, se méfie des « ésotérisants » et répète que seule l’initiation chrétienne est complète. Et là, comme souvent, naît l’ambiguïté. La proposition est recevable dans une perspective non-duelle qui traverse toutes les formes y compris les formes chrétiennes. Elle ne l’est plus dès lors qu’il y a identification dualiste à la forme. Tantôt Jean-François Var semble manifester l’œuvre des « vivants », de ceux qui participent du Christ et reçoivent l’Esprit Saint, quelle que soit les chemins traditionnels empruntés, tantôt il fait le choix de la théologie plutôt que de la théosophie (s‘appuyant parfois à contre sens sur Robert Amadou). Néanmoins, la partie centrale de l’ouvrage, consacrée à L’initiation et le Christ, peut réellement nourrir le processus initiatique dès lors qu’on ne tombe pas dans un nouveau dogmatisme.

L’auteur rappelle la fonction du Régime (ou Rite) Ecossais Rectifié, voulu par Jean-Baptiste Willermoz : celle de « conservatoire «  de la doctrine de Martines de Pasqually et de son Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l’Univers qu’il définit comme « un lieu où, non seulement on sauvegarde et on préserve, mais aussi on enseigne et on pratique, donc on transmet et on perpétue, une tradition vivante ». Il nous parle d’une « science de l’homme », d’un art initiatique, d’une méthode qui réduit la distance à notre origine. Sur cette méthode, il convient de s’interroger. En effet, s’il s’agit de conserver la doctrine des Elus Coëns basés sur une pratique opérative de nature théurgique, que devient-elle au sein du R.E.R. ? Pour Robert Amadou, la « Bienfaisance » était dans le cadre du Rectifié l’équivalent de la théurgie. Mais de quelle Bienfaisance parle-t-on ? De toute autre chose que de la charité ou du bien commun. Le « Bien faire », cet ajustement à l’intention originelle relève d’une subtilité remarquable de l’Esprit.

Jean-François Var, lui, évoque une forme de « mystique ».

« L’initiation est un moyen accordé par Dieu à l’homme pour réparer la chute de celui-ci. Mais seul le Christ, le Verbe incarné, unissant en Lui la nature divine et la nature humaine, en a le pouvoir. Donc, pour fonctionner, si l’on ose parler ainsi, l’initiation doit, de toute nécessité, être vécue comme un passage par le Christ pour faire retour à l’éternité, ou plutôt à l’Eternel. Car « nul ne va au Père que par Lui » (cf. Jean 14,6). S’il en est autrement, ou bien l’initiation est nulle, ou bien elle agit à rebours, et alors!…

Ainsi, l’identification initiatique à Hiram mort et ressuscité est bel et bien une identification au Christ mort et ressuscité. C’est donc réellement « l’identification à la divinité » dont nous parlions au début de ce travail, c’est une des voies de la déification.

Ici venus, ajoutons, car il s’impose, un avertissement important. L’identification au Christ mort et ressuscité opérée par la voie de l’initiation est une identification symbolique. Mais le symbole qui ne débouche pas sur la réalité plénière à laquelle il a fonction de faire accéder est un symbole mort. C’est une porte fermée, ou bien une porte factice. Donc cette identification symbolique doit être accompagnée et vivifiée par une identification réelle que seule procure la voie sacramentelle. L’initiation, pour agir par et dans le Christ exige le sacrement. »

L’initiation libère, y compris de l’initiation. Ce mouvement est bien présent dans l’expérience de l’auteur, mais parfois repris par les crispations théologiques. Cependant l’expérience, la longue expérience spirituelle de l’auteur est riche d’enseignement. C’est là sans doute le plus important, la rencontre entre l’auteur et le lecteur est une rencontre entre deux cherchants. C’est dans cette rencontre que la richesse initiatique peut apparaître au jour.

Editions Dervy, 19 rue Saint-Séverin, 75005 Paris, France.