dimanche 23 octobre 2016

La naissance de la Province d'Auvergne du RER

La naissance de la Province d’Auvergne du Régime Rectifié d’après la correspondance de Jean-Baptiste Willermoz (1772 – 1775) par Loïc Montanella, Editions de la Tarente.

Cet ouvrage reprend le mémoire de master 2 de Loïc Montanella sur la naissance de la Province d’Auvergne du Régime Ecossais Rectifié, travail pour lequel il reçut le prix de l’IDERM, Institut d’Etudes et de Recherches Maçonniques.

La matière analysée est la correspondance entre Jean-Baptiste Willermoz et le baron Georg August Von Weiler entre 1772 et 1175, correspondance très riche, fruit d’une collaboration intense qui devait aboutir à l’émergence du RER.



Loïc Montanella fait appel à Jurgen Habermas et à sa théorie de la sphère publique bourgeoise pour traiter de la question de la construction du Régime Ecossais Rectifié :
« Le prolifique chercheur allemand, nous dit Loïc Montanella, s’était lancé dans une analyse de ce processus singulier au cours duquel le public, constitué par une somme d’individus faisant usage de la raison, s’est approprié un espace public, une sphère auparavant contrôlée par une autorité (étatique, royale ou religieuse) ou un modèle faisant autorité, comme celui de la société de cour. Espace que l’on pourrait parfaitement définir comme un territoire qui acquiert progressivement une certaine forme d’autonomie. Territoire au sein duquel se tissent des liens, émergent et se constituent des réseaux, apparaissent des formes nouvelles de sociabilité, se nouent des relations (notamment épistolaires) naissent des discussions, devient en d’autres termes, un espace polarisé de communications. »

Cette approche sociologique renouvèle les méthodologies de la maçonnologie contemporaine et ouvre de nouvelles perspectives, un autre rapport aux sources et l’usage de nouveaux outils. Ainsi par exemple, ce que nous appelons désormais les « ego documents », « les écrits du soi, les correspondances, les récits de voyage, les journaux intimes ou les Mémoires » sont « interrogées selon des modalités différentes ».

« La loge maçonnique d’un côté, l’univers urbain de l’autre, deviennent ainsi des observatoires privilégiés pour l’historien des réseaux et des lieux de sociabilité d’Ancien Régime. De quelle manière, la Franc-maçonnerie en particulier, marque l’espace public et l’espace privé (transformation de la sociabilité des salons en sociabilité de loges) ou, construit cet espace par ce jeu des réseaux communicationnels ? »

Cette approche redonne vie à ce qui est souvent desséché par la critique historique classique. La vie des loges, des rites et des ordres s’inscrit totalement dans l’expérience humaine et dans des mutabilités sociétales, subies ou co-créées.

Si le RER comme objet d’études historiques a donné de beaux travaux, cette approche qui laisse davantage de place aux acteurs eux-mêmes dans leur complexité, en premier Jean-Baptiste Willermoz, permet de mieux comprendre l’influence du jeu, subtil ou grossier, des relations humaines, individuelles, groupales ou collectives, sur les procès qui ont abouti, sur plusieurs années, à la constitution du Régime Ecossais Rectifié.

Editions La Tarente, Mas Irisia, Chemin des Ravau, 13400 Aubagne.


jeudi 20 octobre 2016

Belle Rose de Renée de Brimont

Belle Rose de Renée de Brimont, Editions de la Tarente.
Mme de Brimont (1880 – 1943) publia Belle Rose en 1931 dans Les Cahiers Libres, une maison d’édition consacrée tant aux avant-gardes, notamment surréalistes qu’aux ésotérismes ou aux auteurs classiques. Cette maison participa pleinement, en son temps, à l’alliance entre traditions et avant-gardes, une alliance dans laquelle Belle Rose a toute sa place. Oublié, ce texte méritait une belle réédition. C’est chose faite avec en appui du texte des études de Serge Caillet, Michelle Nahon & Maurice Friot, et enfin Francis Laget, qui, chacun en leurs domaines, replace l’œuvre de Renée de Brimont dans les contextes historiques, culturels et initiatiques qui ont contribué à sa naissance.



Renée de Brimont dépeint le Bordeaux aristocratique, intellectuel et spiritualiste du XVIIIème siècle dans lequel apparaissent deux personnages fondateurs du courant martiniste en général, Martines de Pasqually et Louis-Claude de Saint-Martin.
Michelle Nahon et Maurice Friot introduisent le lecteur auprès d’une grande dame, femme du monde, mais aussi artiste, musicienne, peintre, auteur et militante féministe. En 1926, elle créa une association de femmes bibliophiles, Les Cent Une, qui eut une certaine influence. Elle étudia l’astrologie et le spiritisme, s’intéressa à l’alchimie et croisa entre autres la route de James Chauvet, Eugène Canseliet et surtout O. V. de Lubicz Milosz, qu’elle fascina et qui en fit sa muse, toute spirituelle.
« On sait, nous dit Francis Laget, que c’est elle que Milosz appelait « Renaissance », dans la dédicace de ses poèmes et de ses textes métaphysiques les plus importants et que son rôle auprès du poète a pu être comparé à celui de Béatrice auprès de Dante ! Leur intimité de recherches et de pensée peut être déduite et confirmée par le soin apporté, par chacun des deux à occulter la nature de leurs échanges spirituels : ils sont parvenus à faire disparaître la quasi-totalité de leur correspondance ! »
C’est probablement par Milosz que Renée de Brimont s’intéressa à Martines de Pasqually et à Louis-Claude de Saint-Martin mais l’histoire de sa famille n’est pas sans lien avec ces deux figures. Son témoignage est donc aussi rare que précieux.
Renée de Brimont, conclut Serge Caillet, la baronne amazone, la « Renaissance » « saintement aimée » de Milosz, l’amie de Saint-Martin et de Martines de Pasqually, communiant dans l’Occulte avec l’un comme avec les autres, nous offre une esquisse, presque un portrait, historique et philosophique, du Philosophe inconnu et de son premier maître. Esquisse authentique, quoique réinventée ; esquisse fidèle, par conséquent, par une femme de Lettres qui n’en fut pas moins une femme d’Esprit. »
Indépendamment de l’intérêt historique de cette réédition bienvenue, l’écriture, très juste et fluide, de Renée de Brimont, qui donne vie et force aux personnages et aux ambiances, emportera le lecteur dans ce Bordeaux des mystères qui se laisse découvrir peu à peu.
Editions La Tarente, Mas Irisia, Chemin des Ravau, 13400 Aubagne.