jeudi 29 août 2019

Martines de Pasqually et les Elus Coëns


Martines de Pasqually et les Elus Coëns, exégètes et ministres du judéo-christianisme de Dominique Vergnolle. Editions de La Tarente, Mas Irisia, Chemin des Ravau, 13400 Aubagne.

Dominique Vergnolle propose aux martinésistes et plus largement aux martinistes un excellent travail, rigoureux et approfondi sur la doctrine de la réintégration telle que Martines de Pasqually l’a proposée aux membres de l’Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l’Univers, notamment dans son célèbre Traité de la réintégration des êtres dans leur première propriété, vertu et puissance divine. Doctrine et pratique car tout, chez Martines, invite et conduit à la pratique des opérations théurgiques de réintégration. Quiconque ignore ces opérations ne peut que demeurer étranger aussi bien à l’intention ou à la finalité qu’au chemin lui-même.



D’apparence maçonnique par sa structure, l’Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l’Univers est voué à la célébration du culte primitif. « Car, précise Serge Caillet dans sa préface, les élus coëns sont les prêtres du culte primitif, élus comme tels dans le service de la chose, qui est la Présence de Notre Seigneur Jésus-Christ. Mais le culte primitif célèbre, avec la participation des anges, la liturgie cosmique, qui n’est pas à confondre avec la liturgie céleste à laquelle ressortit la liturgie ecclésiale. »
Cette question de la congruence éventuelle de l’enseignement et des pratiques des élus coëns avec un christianisme qui se différencierait plus ou moins du judéo-christianisme va d’ailleurs resurgir maintes fois dans l’ouvrage.

Toujours dans la préface, Serge Caillet liste les « propositions » véhiculées par la doctrine martinésienne qui sont analysées par Dominique Vergnolle : l’amour divin, la liberté, l’émanation, la Trinité, le Christ, l’image et la ressemblance, Eve, la chute, le statut de la matière, les formes glorieuses, la réintégration… Il invite le lecteur, point essentiel, à ne pas faire de la doctrine un dogme et de figer ainsi ce qui n’est que processus vivants.
La doctrine de Martines n’est pas toujours claire, notamment parce qu’elle répond à des questionnements de ses disciples qui sont pris dans les interrogations de leur époque mais l’ultime réponse sera toujours, et Robert Amadou insistera sur ce point, dans les opérations elles-mêmes.

La première partie de l’ouvrage est consacrée à des points fondamentaux de la doctrine. Ils contribuent à préciser la métaphysique de Martines de Pasqually, qui prend appui, singulièrement, sur les nombres. Dominique Vergnolle donne de la perspective aux « actions divines », aspect essentiel de la doctrine, qui règlent ainsi une économie de la Création, nous pourrions parler aussi sans doute d’une écologie de la création par les équilibres systémiques qui en découlent. Il poursuit par une réflexion, là encore aux fondements de la pensée martinésienne, sur le quaternaire et le ternaire. Nous sommes souvent avec Martines de Pasqually sur des universaux qui n’en sont point. Quaternaire et ternaire chez Martines diffèrent des approches d’autres traditions. Il convient de prendre le temps de comprendre de quoi il parle. Ce livre y contribue.

La deuxième partie de l’ouvrage traite de « Quelques considérations sur l’ordre coën et le martinésisme. Dominique Vergnolle revient notamment sur le Tableau universel, examine la progression des grades et leurs rapports avec l’exercice du culte primitif, aborde enfin quelques points historiques.

La dernière partie approche l’essentiel c’est-à-dire les travaux des élus coëns ou tout au moins certains travaux comme le rituel de la bougie et du mot du centre, certaines invocations, leur sens, leur places, l’ordination des Réau-croix. Il traite aussi, sans faire le tour du sujet du fameux double V du centre des tapis opératoires. Enfin, avec justesse et sagesse, il écarte la qualification de voie externe souvent attribuée à la voie martinésienne, nous sommes en effet au-delà des oppositions et classifications dualistes.

En conclusion, tout comme Martines de Pasqually, tout comme Robert Amadou et tous ceux, rares, qui se sont réellement engagés dans cette voie, il invite à opérer :
« Être martinésiste ne signifierait rien si le travail n’amenait pas, un jour ou l’autre, le cherchant à la pratique des opérations enseignées par le Grand Souverain. Car, tout dans son œuvre prépare et engage aux opérations. La doctrine qui est développée n’a pour but que d’amener chaque futur opérant à une pratique intelligente et éclairée, consciente et réfléchie des travaux de l’Ordre. Car le Coën n’est pas un érudit en sciences spirituelles, mais un être que la pratique a amené sur les voies de la Vérité. L’étude seule ne suffirait pas à assimiler et vivre l’initiation proposée. »

Cet ouvrage contribue à la fois à la compréhension et à la pratique de cette voie de réintégration. Il sert ainsi les quelques individus qui, malgré les difficultés, se sont engagés dans ce chemin au bénéfice du plus grand nombre.