samedi 24 septembre 2016

L'abbé Julio et ses pratiques

Les pratiques de l’abbé Julio de Denis Labouré, Editions Spiritualités Occidentales.

Denis Labouré poursuit son travail de mise à disposition et de clarification de l’œuvre de l’abbé Julio. Après Les pentacles de l’abbé Julio, Les prières de l’abbé Julio voici Les pratiques de l’abbé Julio.
De manière très intéressante, Denis Labouré replace l’œuvre de l’abbé Julio dans son contexte temporel, entre héritiers de la Révolution et autorités catholiques, afin de mieux comprendre l’importance de l’héritage, héritage qui, loin de s’essouffler, emprunte de multiples formes, certaines dégradées certes, mais le plus souvent bénéfiques.



Denis Labouré évoque longuement dans ce livre une source méconnue ayant influencé Julio, Léonce de Larmandie (1851 – 1921), homme de lettres et ésotériste. Il fut proche de Joséphin Péladan, participa activement aux Salons de la Rose-Croix organisés par le Sâr, collabora à diverses revues dont le Voile d’Isis et publia deux ouvrages importants, Magie et religion, en 1898 et L’aventure hermétique en 1907. Dans Magie et religion, il développe « l’idée que les rites et sacrements de la religion catholique ont une portée magique », ruinée par les crispations théologiques. Léonce de Larmandie enseigna à Julio qu’une prêtrise véritable selon le Christ s’accompagne de dons spéciaux, notamment de guérison.
Denis Labouré consacre la plus grande partie de l’ouvrage aux pratiques selon l’abbé Julio : l’usage du Bénédictionnal Romain, l’usage des psaumes, la bénédiction des malades, la magie copte, les huiles saintes, le recours aux pentacles, les croix d’herbes, les neuvaines, et autres.
En fin d’ouvrage, il rappelle l’importance de la messe pour l’abbé Julio sans laquelle ces pratiques seraient vaines. « La messe, dit Julio, est la prière toute-puissante, par laquelle on obtient tout. »
« Nous cherchons à comprendre l’abbé Julio, ajoute Denis Labouré, ses textes et ses procédés. Pour obtenir ses résultats, il nous faut respecter ses enseignements. Pour consacrer nos huiles et nos pentacles, pour dynamiser nos neuvaines, il nous faut participer intelligemment à cette opération de haute théurgie qu’est la messe. »
Avec l’abbé Julio, nous approchons de ce que serait un véritable catholicisme, au service de tous ceux qui sont dans le besoin, efficace par la mise en œuvre des mystères dans une opérativité où la magie fait alliance avec la mystique.
Editions Spiritualité Occidentale, 16 A rue Lingolsheim, 67540 Ostwald, France.

dimanche 11 septembre 2016

La Grande Profession du Régime Ecossais Rectifié

La Grande Profession : documents et découvertes, le fonds Turckheim, Renaissance Traditionnelle, n° 181-182, janvier-avril 2016.
Cette livraison de Renaissance Traditionnelle consacrée à la « classe secrète » du Régime Ecossais Rectifié, fondé par Jean-Baptiste Willermoz sur la double matrice de la doctrine de la réintégration de l’Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l’Univers de Martinès de Pasqually et de la Stricte Observance Templière, est incontournable par son apport historique. C’est en effet la publication la plus complète disponible aujourd’hui sur le sujet de la Grande Profession.
Les pièces publiées ici proviennent du Fonds Bernard-Frédéric de Turckheim principalement ou du fonds Jean-Baptiste Willermoz de la Bibliothèque municipale de Lyon. Le fonds Turckheim fut découvert par Antoine Faivre et constitue un complément considérable du fonds Willermoz.



Voici le sommaire de ce numéro : Avant-propos de Pierre Mollier –   Histoire d'une découverte par Antoine Faivre – La carrière d'un Grand Profès à travers les documents du fonds Bernard-Fréderic de Turckheim, complétés de documents de la B.M.L. par Thierry Boudignon et Jacques Rondat –  Une vue des pratiques occultes à travers l'odyssée des Archives de J.B. Willermoz (1756-1956) par Paul Paoloni – La Grande Profession dans l'histoire du Régime Écossais Rectifié, par Roger Dachez – Notes de lecture par Pierre Lachkareff.
L’étude des documents permet de mieux comprendre la genèse du Régime Ecossais Rectifié et la fonction, plus ou moins établie, de la Grande Profession. Jean-Baptiste Willermoz voulait clairement préserver la doctrine de la réintégration mais il demeure ambivalent sur les pratiques conduisant à cette réintégration. S’il reste finalement attaché à la théurgie des élus coëns, il est aussi conscient que cette théurgie, si complexe et difficile à mettre en oeuvre, n’est ni accessible à tous, ni une panacée. La question des praxis reste ouverte et c’est tant mieux.
Paul Paoloni essaie de cerner avec beaucoup de nuances les contextes traversés par la Grande Profession, en tant que classe ultime du RER, mais aussi, les archives, qui ont leur propre vie, ce qui lui permet d’interroger la notion de légitimité et de filiation dans un milieu où règne l’hypertrophie de la filiation historique et linéaire au détriment du travail initiatique, affranchi lui de chronos.
On ne peut que regretter la condamnation, peu nuancée cette fois, de Robert Ambelain par Roger Dachez qui lui reproche son « esprit d’amalgame si caractéristique (…) empilant sans vergogne les filiations les plus diverses et les structures initiatiques les plus dissemblables », évoquant un « maître de la confusion ». C’est oublié le contexte de cet amalgame qui a permis de sauvegarder nombre d’ordres aujourd’hui de nouveau séparés et autonomes, grâce à l’action insistante de Robert Amadou, et les grandes qualités de ritualiste et d’opératif du Frère Ambelain. Il faudra un jour écrire un hommage de réparation à Robert Ambelain comme il fallut le faire pour Papus, comme il fallut le faire aussi pour Philippe Encausse, le fils de Papus.
Cette remarque mise à part, l’apport de ce numéro de RT à l’histoire du Régime Ecossais Rectifié est indéniable et il convient de souligner la proposition très pertinente de Roger Dachez quant à l’avenir de la Grande Profession :
« L’énoncé du problème se pose donc en termes simples, aujourd’hui comme hier : ni grade « sommital », ni ordination sacerdotale, ni consécration épiscopale, comme quelques ignorants et quelques égarés l’ont cru, prétendu, ou ont tenté de le faire accroire, la Grande Profession, très dépouillée dans sa forme, a été conçue pour exercer une fonction essentielle et même exclusivement doctrinale. Willermoz et ses amis, el leur temps, ont estimé qu’il revenait à un groupe d’hommes choisis à cet effet, soigneusement préparés, dûment instruits, de la conduire dans le plus rigoureux secret. L’avenir leur a-t-il donné raison ? 
Force est de constater que ce projet, à la lumière d’une histoire que nous connaissons désormais assez bien, s’est clairement soldé par un échec. »
Robert Amadou voyait dans les Grands Profès des « veilleurs » et Roger Dachez lui emprunte le pas :
L’étude des textes fondamentaux (…) devrait devenir, sous l’impulsion des Grands Profès rendus à leur véritable vocation, un aliment essentiel des travaux maçonniques rectifiés au sommet de l’édifice des grades symboliques qu’ils concernent au premier chef – soit au grade de Maître Ecossais de Saint-André. C’est la méconnaissance de ces sources essentielles qui a souvent entraîné le dépérissement du RER. Ainsi la sève vive de la doctrine, naturellement ouverte aux multiples adaptations que chacun peut ou veut en faire, irriguerait à nouveau tous les échelons du régime qui a été fondé sur elle. Les Grands Profès, sans revendiquer d’autorité magistrale, devraient en être dans les Loges les promoteurs spontanés et les répondants naturels, ostensiblement mais sans ostentation. (…) Des éveilleurs modestes et des artisans de paix : tels devraient être avant tout les nouveaux Grands Profès ».
La clarification historique, largement avancée désormais, la recherche, non plus historique cette fois, mais opérative, le tissage spirituel, sont les clefs du futur du Régime Ecossais Rectifié. Ce numéro de Renaissance Traditionnel, « beau » et « bon » numéro, nous invite à mettre en œuvre ce qui fonde et anime le Régime Ecossais Rectifié.