Le rituel initiatique, outil de création et art de vivre par André Quémet, collection Les Symboles maçonniques, Maison de Vie Editeur.
Remarquable travail que cet essai sur la nature, la fonction et l’essence du rituel initiatique. Au début de l’ouvrage, l’auteur rappelle cette affirmation de l’Inde ancienne : « seul le dieu peut rendre le culte du Dieu », cette reconnaissance, double en réalité, justifie l’établissement « des liens et une circulation entre les puissances qui président à la création du monde et des hommes. »
Bien des points essentiels de l’œuvre initiatique sont identifiés par l’auteur, ainsi il identifie le passage essentiel dans le processus initiatique de « l’imitation » à « l’invention » :
« « Par le rituel di P. Dangle, on remet au présent la « Première fois », le jaillissement de la création en esprit qui engendre l’Être. »
Le rituel est un art en ce qu’il implique une expérience remontant aux origines de l’humanité et une créativité permanente : la « reproduction » de l’acte créateur primordial, le renouvellement de l’instant de l’inexplicable émergence du dieu créateur venu à l’existence de lui-même, la ré-expérimentation de l’instant de l’origine. Pour les anciens, si la création a lieu lors d’une « Première fois », elle n’est cependant pas fixée dans le temps. Il s’agit à la fois d’une création continue et répétitive, cet événement se répétant de smillions de fois, notamment lors de chaque lever de soleil. Cependant, dans le processus de création, rien n’est mécanique ni automatique ; lorsque
André Quémet insiste sur la cohérence du corpus rituel, cohérence qui traduit une structure absolue :
« Une loge doit avoir une immensité de rituels, les développer, les nourrir, pour qu’à chaque moment de la vie initiatique corresponde un type de rituel. chaque rituel, ensemble complet, « jeu des perles de verre » dirait Herman Hesse, est un outil très précis pour travailler
« Chaque rituel est un moment de naissance communautaire. Etant un perpétuel voyage, une loge initiatique, par ses travaux, se déplace dans l’espace de la conscience. Lorsque ses membres sacralisent leur travail par un rite, ils se placent dans l’instant primordial, à la racine du Verbe. »
Le rite est vivant. Le temple vivant. Y compris en l’absence des initiés.
La reconnaissance de la discontinuité du temps, le passage du temps profane linéaire au temps circulaire du mythe, puis la traversée du temps vers le non-temps, l’ici et maintenant insaisissable sauf à l’esprit libre sont véhiculés par le rythme du rite qui va de la périphérie au centre.
Sa fonction ultime est non-humaine, hors des crispations de la personne :
« Nul pouvoir personnel ne peut être retiré de l’incarnation d’une puissance de création, car le rituel est toujours au-delà de l’humain, et personne ne peut l’accomplir pour soi. Le rite est donc précisément l’anti-pouvoir par excellence, car en accomplissant un rite, démarche fonctionnellement impossible à l’individu, on s’intègre à l’Être universel. Même si ce n’est que pendant quelques instants, cela dépasse totalement l’individu. En tant que ritualiste, les ambitions, le désir de développement personnel, la recherche du pouvoir, « briller », tout cela est dépassé puisque l’on est au service du rite, et c’est pourquoi les rites doivent être accomplis en humilité avec une grande ponctualité. »
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