Paracelse, une lumière pour notre temps,de Charles Le Brun, Editions Arma Artis.
Théophraste von Hohenheim, Paracelse, a laissé une œuvre colossale qui demeure un fleuron de la Tradition et de l’hermétisme. Maître de l’alternative nomade ou de la circulation des élites qui caractérise les initiés, Paracelse n’apparaît d’aucun temps et, par conséquent, toujours actuel.
Charles Le Brun réussit là où tant d’autres auteurs ont échoué à restaurer la possibilité du lien traditionnel avec une œuvre fondatrice et une trace qui demeure. Sa réussite tient à son choix pertinent de ne pas chercher à donner une idée synthétique d’une oeuvre impossible à cerner mais à identifier quelques axes traditionnels puissants qui constituent les piliers de la cathédrale paracelsienne.
Nous sommes avec ce livre en pleine Tradition. Charles Le Brun rappelle les principes de celle-ci tout au long de l’ouvrage.
« Aux « Nobles Voyageurs » était réservée l’initiation dite de l’art royal, laquelle, on le sait, se rapporte non à l’ordre métaphysique pur, mais à l’ordre cosmologique et aux applications qui s’y rattachent et qu’en Occident on désigne sous l’appellation d’hermétisme. Nous voici donc au cœur des sciences traditionnelles dont l’étude trouve son couronnement dans l’accès et l’assimilation des « petits mystères ». (…)
Or, de par ses choix de vie si délibérément désaccordés des habitudes ordinaires, de par sa conception très particulière de l’acte médical, - la théorie des signatures naturelles et de la grande loi des concordances entre le grand et le petit monde – il proclame son rattachement à l’immémorial courant des serviteurs de l’authentique tradition. »
L’auteur ne cherche pas à poser les bases d’une biographie impossible tant l’obscurité entoure la vie de Paracelse, il pose rapidement quelques repères qui permettent de mieux comprendre les choix de Paracelse dans le contexte historique et religieux de son époque et les hostilités, parfois féroces, qu’il rencontra.
« Paracelse fonde sa médecine sur quatre colonnes, rappelle Charles Le Brun, la philosophie, l’astronomie, l’alchimie et le vertu. » Et de préciser : « L’alchimie, tant qu’elle ne s’abaissa point au niveau des basses manipulations ni ne sacrifia aux tentations de la richesse, fut l’art de dépouiller les choses du superflu qui les recouvre pour les conduire à leur pleine maturité. Amener à la lumière ce qui, dans l’ombre, est en attente. »
Paracelse qui se réfère non aux doctrines, souvent vaines, de l’Université mais à l’étude attentive du Liber Mundi, est en quête des intentions premières et du respect de celles-ci. Ces intentions structurent sa pensée, une pensée vivante qui ne peut se figer en système, enrichie par ses contradictions, visionnaire. Charles Le Brun a choisi non de rendre une cohérence mais de rendre compte de ce qui se présente à nous à travers Paracelse : le Mysterium Magnum et la séparation, question essentiel dans le jeu entre non-dualité et dualité, la loi des concordances en microcosme et macrocosme qui fonde, selon Robert Amadou, tout occultisme véritable, la véritable alchimie, le monde invisible et la lumière de la nature, la question, importante en théorie et en pratique, du temps, celle, essentielle, de la lumière de la grâce.
Revenons sur l’alchimie selon Paracelse et ses notions de Vulcanus et d’Archeus : « La séparation, certes, reste à l’honneur et elle demeure un sujet sur lequel le laborant doit se fixer. Cependant, une nouvelle approche est formulée en termes inédits propres au vocabulaire paracelsien. Vulcanus et Archeus, cités déjà dans un autre chapitre, sont les plus courants. Le premier, emprunté à la mythologie, désigne bien entendu le forgeron et le travail du feu. Mais ici sa fonction se précise : il est l’agent extérieur, invisible, qui accomplit les transformations nécessaires ; qui sépare le pur de l’impur, l’utile de l’inutile.
Le second, l’Archeus, auxiliaire du premier, en découle directement. Mais il est, en quelque sorte, le Vulcanus intérieur. Il agit en l’homme. »
Ces deux notions paracelsiennes évoqueront chez le chercheur l’hermès ou l’ibis des traditions alchimiques. Elles font sens, à la fois dans le domaine des alchimies métalliques et des alchimies internes, tout en les dépassant vers une modalité cosmologique. Il ne perd jamais de vue, tout comme Kunrath, la surnature.
« La lumière de la nature, déclare-t-il encore, est semblable à la clarté de la lune qui ne révèle qu’en partie ce que la nuit nous dissimule. La lumière de la grâce par contre, à l’instar de celle du soleil, repousse toute obscurité et découvre pleinement ce qui jusqu’alors restait caché. Elle ouvre grandes les portes du paradis céleste quand celle de la nature, au mieux, ne débouche que sur la sagesse naturelle. Agent de la rénovation de l’homme, bousculant tout ce que l’astre pouvait octroyer à ce dernier, elle surpasse toute science. »
Ce beau livre de Tradition, qui nous rappelle à l’Ordre, et non à l’ordre, invite à « rectifier », à renouveler l’expression de l’alliance toujours présente malgré les apparences, à rendre sa place à l’esprit, est un antidote aux débilités spirituelles comme aux bêtises de la modernité, rappel salutaire à soi et au Soi.
Charles Le Brun conclut son essai par ces phrases :
« Sur le grand cadran de l’horloge du monde, l’aiguille des heures tourne. Nul, bien sûr, n’en saurait situer l’exact emplacement. Toutefois, derrière le fracas des vanités, sous l’assourdissante rumeur des affaires, - elles sont de toutes sortes - les choses et les êtres vaticinent. Il suffit d’écouter. La fin des temps ? - - La fin d’un temps ? La fin d’un cycle ? Les hommes, cent et cent fois, se sont posés cette même question. Est-ce pour autant qu’elle est absurde ? Dans la sourde clameur des villes ; dans le remous des meutes humaines ; dans la course affolée des jours : la réponse est inscrite. Seules l’inattention, l’indifférence et l’épaisseur de la sottise humaine en obnubilent le message. Mais elle est là Formidablement dressée. A la croisée de tous nos chemins, du plus ordinaire au plus indéchiffrable. A la verticale de nos destinées. Inévitable. Et sa teneur, pour ce qu’on peut en deviner, n’a rien de rassurant. »
Editions Arma Artis, BP 3, F-26160 La Bégude de Mazenc.