lundi 24 février 2014

700ème anniversaire du martyr de Jacques de Molay



700ème anniversaire du martyr de Jacques de Molay, dernier Grand-Maître de l’Ordre du Temple.



Le 18 mars 2014, à l’occasion du 700ème anniversaire du martyr de Jacques de Molay, Grand-Maître de l’Ordre du Temple, de nombreuses commémorations et autres manifestations se répéteront sur tous les continents. Cette date signe pour beaucoup la disparition de l’Ordre du Temple mais le souvenir templier demeure entre histoire, nostalgie et fantasme.


Certains rites maçonniques templiers profiteront de cette date pour répéter leur attachement à l’idéal chevaleresque. Rappelons que l’hypothèse d’une filiation templière historique au sein de la Franc-maçonnerie, hypothèse écossaise, n’a jamais été établie scientifiquement. Quand bien même, elle le serait, il faudrait se poser la question de son intérêt initiatique, très contestable.


Jean-Baptiste Willermoz a parfaitement synthétisé la situation lors du Convent de Wilhelmsbad en 1782 :


 Acte de «Renonciation» de restauration de l’Ordre du Temple (Convent de Wilhelmsbad – 1782)

Dans la dixième séance du 29 juillet du Convent de Wilhelmsbad, revenant sur les questions par lui soulevées lors de la huitième séance du 25 juillet, Jean-Baptiste Willermoz déclara solennellement :


« Je conclus de tout ce que j’ai avancé dans ce Mémoire sur les trois premières questions qui font partie de ma motion du 25 ou de la 8e séance :


 I – Que nous n’avons aucun intérêt à la restauration de l’Ordre des Templiers relativement aux possessions & richesses qui lui ont été enlevées ; mais qu’en qualité de Maçons désireux de participer aux connaissances scientifiques dont il paraît avoir été possesseur, nous avons grand intérêt à établir notre filiation avec lui.


II – Que le Système de filiation & de restauration relativement aux titres, richesses & possessions quelconques de cet Ordre est absurde, ridicule & illicite, que nous n’avons pas le moindre titre à produire pour le soutenir.


III – Que, quand même ce Système serait fondé sur des titres incontestables, il serait imprudent, nuisible aux progrès de l’Ordre maçonnique, & même très dangereux pour ledit Ordre & les individus qui le composent, d’avouer, soutenir & favoriser en aucune manière la continuation de ce Système, qu’au cas qu’aucune Société particulière connue ou inconnue voulût tenter de réaliser en aucune manière le Système de restauration effective, nous ne devons y prendre absolument aucune part, & même que nous devons rompre toute espèce de liaison avec cette Société s’il en existait quelqu’une.


IV – Que le Convent Général de l’Ordre devra faire insérer dans ses actes une déclaration obligatoire pour tous ceux qui y seront représentés, nette & précise sur cet objet.


V – Que la filiation des Maçons avec l’Ordre des T. relativement aux connaissances scientifiques de la Maçonnerie étant établie par une tradition constante & universelle, & prouvée par des monuments & témoignages authentiques, il est utile & nécessaire de conserver ou d’établir une connexion intime entre l’Ordre maçonnique & l’Ordre du T. de la manière la plus convenable & la plus propre à favoriser les progrès des Maçons dans leur but scientifique, sans donner aucune inquiétude raisonnable aux Gouvernements politiques.


VI – Je prie le Convent Général, au nom du Grand Chapitre Provincial d’Auvergne, de me donner acte de mes conclusions sur les trois susdites questions. »


 Concernant les survivances éventuelles, elles sont évidemment possibles sous des formes diverses.

Le templarisme portugais est en cela exemplaire, le Portugal ayant accueilli de nombreux templiers en fuite, comme il l’avait déjà fait pour les cathares. L’Ordre du Christ, tout d’abord, a intégré de nombreux Chevaliers de l’Ordre du Temple mais en dehors de cette survivance très officielle, il y a eu quelques transmissions familiales, Fernando Pessoa y fait allusion et une tradition templière pastorale. Des chevaliers auraient renoncé à l’épée et se seraient transformés en simples bergers. On retrouve des traces de cette tradition au moins jusqu’à la fin du XIXème siècle selon Manuel Gandra, spécialiste portugais du templarisme. Au-delà de la symbolique, très belle, de ce passage de l’épée au bâton de berger, nous serons intéressés par la permanence d’un idéal sous des formes diverses.


Le Temple fascine et continue de nourrir nombre de fantasmes et d’illusions. Les « réveils » de l’Ordre du Temple, revendiquant plus ou moins ouvertement une filiation historique se sont multipliés depuis deux siècles, certains très fantaisistes, d’autres ne manquant pas d’intérêt. Ils ont nourri le néo-templarisme qui forme aujourd’hui un univers complexe et agité, parfois générateur de drames terribles comme dans le cas de l’Ordre du temple solaire. Il convient d’être lucide face à ce milieu riche de déviances en tout genre et pauvre en initiation. 


A l’approche du 18 mars 2014, nous avons noté la préparation d’au moins seize « réveils » de l’Ordre du Temple à l’occasion de cet anniversaire, en France et sur tous les continents, jusqu’au Japon. Puissance du rêve. Certains sont des jeux de rôles présentés comme tels. D’autres revendiquent une authenticité en réalité factice.



La position de Jean-Baptiste Willermoz reste donc totalement d’actualité et doit être rappelée pour éviter de nouvelles errances, de nouveaux drames et ne pas se dessaisir de l’essentiel.



Citons, pour conclure, Robert Amadou :



Or, tout est temple, pourvu qu’un esprit y réside et tout esprit procède de l’Esprit – se fût-il rebellé, eût-il été créé par un émané _ quitte à le réintégrer, et d’abord à s’en fortifier par l’approche. Cette Présence installe la présence réelle, Gloire de Dieu, selon l’Ecriture, Shekhina, selon la tradition, qui entre dans le temple par la porte orientale, et le dédicace. Le temple de Salomon est l’archétype du Temple, et les rapports numériques de tout temple sont analogues aux siens.

C’est pourquoi les maçons doivent en priorité étudier le temple de Salomon, comme y exhorte Jean-Baptiste Willermoz ; le temple est emblème universel pour les francs-maçons, de même que pour les esséniens et les templiers. Il l’était pour les coëns extra-lucides. Il l’est en analogie, et en continuité – de quelle sorte ?, mais pour une meilleure intelligence dans le Régime Ecossais Rectifié.