Petit traité de la prière silencieuse de Jean-Marie Gueullette, Editions Albin Michel.
Prière monologiste, prière sur un mot, prière du silence intérieur, oraison de simple regard… il existe bien des manières de nommer une pratique chrétienne fort ancienne, très pratiquée au XVIIème siècle en France, malheureusement oubliée, qui consiste à se consacrer à la répétition intérieure d’un nom de Dieu pour se rappeler d’instant en instant la présence divine, pratique qui évoque l’hésychasme des Eglises orthodoxes, dont elle n’est pas éloignée.
Ce magnifique Petit traité de la prière silencieuse est l’œuvre d’un dominicain, Jean-Marie Gueullette, docteur en théologie et médecine, professeur de théologie à l’Université catholique de Lyon, directeur du Centre interdisciplinaire d’éthique. Il est notamment connu pour ses travaux sur l’influence de Maître Eckhart en France au XVIIème siècle.
Forme de prière parmi d’autres, cette manière de prier fait partie des voies directes, simple, très simple, et donc difficile pour nos consciences agitées. Trop austère pour certains, parfaitement ajustée à d’autres quand le temps est venu de se simplifier, de se dénuder, cette pratique (ou cet art) a la même fonction que certaines pratiques de méditation orientale, se rapprocher de soi-même, laisser libre la place pour l’être, le soi, Dieu, quelle que soit l’approche, « laisser ce qui n’est pas dieu ». Ce rappel à Dieu, ou le ressouvenir de la présence de Dieu se fait par un mot unique, désignant Dieu, Abba, Adonaï, Kyrie eleison, le nom de Jésus, etc., le nom que l’on donne, spontanément, à Dieu, chemin naturel vers le sanctuaire du silence. C’est tout à la fois un combat, contre toutes les périphéries phénoménales et un lâcher prise à ce qui est là, une technique et une absence de technique, un regard vers Dieu et un laisser faire, laisser Dieu nous dévisager pour se reconnaître en nous. On voit là l’influence de Maître Eckhart.
« La prière silencieuse est une activité, marquée par cet acte intense de la volonté, par l’acte de foi inlassablement renouvelé en la présence de Dieu. Pourtant il s’agit de rester sans rien faire en présence de Dieu. »
Jean-Marie Gueullette met en garde à la fois contre le symbolique, nous sommes bien au-delà, contre la réduction du nom, le nom désigne l’indicible, contre l’expérience, nous sommes aussi par-delà toute sensation. Il rappelle l’absence de tout rapport objet-sujet, de tout désir causal, de toute finalité, de tout sens, de toute relation d’attente… Il insiste sur l’attention du cœur.
« La prière est donc un mouvement inlassable de reprise de soi, dans lequel le croyant se rattrape lui-même dans son mouvement vers l’extérieur, pour ramener son attention et donc sa présence en lui-même, où Dieu l’attend. »
Editions Albin Michel, 22 rue Huyghens, 75014 Paris.