Les élus coëns et le Régime Ecossais Rectifié. De l’influence de la doctrine de Martinès de Pasqually sur Jean-Baptiste Willermoz par Jean-Marc Vivenza, Editions Le Mercure Dauphinois.
Ce livre vient à point pour développer un point historique et doctrinal très important qui fait malheureusement régulièrement polémique au sein du Régime Ecossais Rectifié, principalement en France et en Italie, deux terres traditionnelles où l’Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l’Univers connaît une vivacité discrète mais certaine.
Jean-Marc Vivenza dont les travaux érudits sont toujours précieux met d’emblée le lecteur en garde contre deux crispations : « l’une consistant à considérer le Régime Ecossais Rectifié comme une simple reproduction, bien que privée de sa partie théurgique, de l’Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l’Univers, l’autre visant à ne reconnaître aucun lien ni rapport entre le système de Willermoz et les enseignements dispensés par Martinès de Pasqually. »
Jean-Marc Vivenza identifie très clairement la nature sacerdotale du système des Elus Coëns. Ce point est essentiel pour comprendre la subtile résonance entre les Elus Coëns et le R.E.R.. Il est d’ailleurs regrettable de rencontrer aujourd’hui des branches coëns qui, par ignorance ou par paresse, ne retiennent de cette tradition exemplaire que sa forme maçonnique, niant sa réalité sacerdotale et son fondement théurgique.
« Comme nous le voyons, l’originalité profonde de l’Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l’Univers, venait précisément de cette vocation sacerdotale qu’il se proposait de conférer à ses membres les plus qualifiés et dignes de confiance. En quelque sorte, plus qu’une maçonnerie détentrice de quelques secrets initiatiques de nature symbolique, l’Ordre institué par Martinès était, positivement, une société religieuse dans laquelle, concrètement, officiaient des authentiques prêtres, du moins pour ceux, c’est-à-dire les Réaux-Croix, appartenant à l’ultime classe du Sanctuaire, capables de célébrer, dans son intégralité, le culte primitif.
On imagine ce qu’il pouvait y avoir d’incomparablement supérieur, du point de vue ésotérique et spirituel, dans cet Ordre certes faible numériquement, mais en possession d’un inestimable savoir touchant aux mystères les plus hauts. Les clefs, permettant de pénétrer à l’intérieur des subtiles énigmes que sont les innombrables questions portant sur les raisons de notre douloureuse et pénible situation en ce monde, ainsi que les moyens effectifs de recouvrer nos droits perdus depuis la Chute, réponses que tous, au XVIIIè siècle comme depuis toujours, mais avec une fièvre et un empressement bien en rapport avec l’état d’esprit dominant dans les périodes troublées et incertaines de l’Histoire, avidement recherchaient dans des voies incomplètes, inexactes, clefs et moyens donc, qui s’offraient apparemment enfin au chercheur sincère et à « l’homme de désir » véritable.»
Avec la même précision, il éclaire le lien indiscutable entre le RER et l’œuvre de Martines de Pasqually :
« Il apparaît ainsi incontestable, que l’Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte est porteur d’une base spirituelle et d’un héritage historique directement issus des enseignements de Martines de Pasqually, et qu’il faut se rendre complètement sourd et passablement fermé, voire autiste, face aux éléments formels que nous recevons par les différentes sources historiques disponibles, mais il est vrai qu’il n’y a pas de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, pour refuser de convenir que ce qui a uni, profondément, le Régime Ecossais Rectifié avec la doctrine martinésienne, participe d’une incontestable et directe filiation dont la Grande Profession, en toute logique, fut détentrice de par les éléments propres qui y seront déposés par Jean-Baptiste Willermoz, lui-même, ne l’oublions pas, détenteur en tant que Réau-Croix, de l’intégralité de la transmission Coën… »
Jean-Marc Vivenza, par l’étude historique et la comparaison doctrinale, ne fait pas que mettre en évidence les liens entre les deux systèmes initiatiques, il identifie leurs natures respectives et leurs projets, de désir ou réels. Après avoir présenté les éléments coëns au sein du R.E.R. que sont les outils symboliques de la « Réintégration », il traite de quelques points essentiels comme La double nature et son implication spirituelle ou La symbolique de la réédification du temple comme figure de l’image et de la ressemblance.
Il pose alors une question nécessaire. Martinès de Pasqually dénonçait le caractère apocryphe de la Franc-maçonnerie. Qu’en est-il alors de ce régime Ecossais Rectifié héritier de son propre système ?
« la constitution du Régime Ecossais Rectifié a sans doute été, en tous les cas pour Willermoz et les frères les plus proches de lui qui l’assistèrent dans son entreprise (…) une volonté de perfection de l’Ordre des élus coëns. (…) le Régime Ecossais Rectifié corrige les coëns de par la place qu’il fait, notamment au sein de l’Ordre Intérieur, à la Sainte Trinité, qui est l’objet d’une révérence très marquée et insistante. En second lieu, le Régime Ecossais Rectifié dans son enseignement, contrairement à Martinès, possède une christologie exacte, puisqu’il déclare très nettement croire en la double nature du Christ et affirme reconnaître en Jésus le Messie vrai-Homme et vrai-Dieu. »
Jean-Marc Vivenza, s’appuyant à maintes reprises sur les travaux de Robert Amadou, reconnaît au R.E.R. une véritable orthodoxie et, pour lui, il ne fait aucun doute que la qualification d’apocryphe ne peut s’appliquer au Régime voulu par Willermoz.
« L’idée principale de la « Réintégration » se retrouve bien chez Willermoz dans cette vision d’un rétablissement général en sainteté du monde manifesté chuté, y compris, peut-être, et sous certaines conditions, les êtres prisonniers de l’Enfer parce qu’ils furent trompés par les artifices de l’Adversaire de Dieu »
Plus encore, le Régime Ecossais Rectifié « est le conservateur, le gardien et le continuateur du Haut et Saint Ordre. Cette fonction de conservation constitue une charge sacrée d’autant plus impressionnante que sous cette appellation, Willermoz pense à l’Ordre des élus de l’Eternel, c’est-à-dire à la sainte et pieuse société religieuse qui traverse les siècles depuis les origines… »
« le Régime Ecossais Rectifié n’est pas « non apocryphe » parce qu’il serait chrétien même si c’est sa nature spirituelle la plus profonde, mais parce qu’il est détenteur de la doctrine, héritier de la transmission, porteur et dépositaire de la filiation du Haut et Saint Ordre que cultivent, et préservent secrètement, les Grands Profès du Régime. Le Régime Ecossais Rectifié est ainsi placé – le seul au sein du monde maçonnique – sous les auspices d’une initiation qui s’opère par le passage par les trois essences spiritueuses, la symbolique des nombres, le sens des batteries, etc., et dont la source se trouve dans un Ordre qui est l’unique détenteur des sciences et connaissances primitives de l’homme. »
Le régime Ecossais Rectifié de Willermoz n’a donc jamais renoncé à la « Réintégration », sens véritable de l’Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l’Univers. Tout au contraire, il perpétue et préserve l’œuvre des Elus Coëns. Cette conclusion est lourde de conséquences éthiques et opératives pour les membres du dit Régime.
Le Mercure Dauphinois, 4 rue de Paris, 38000 Grenoble, France.
Ce livre vient à point pour développer un point historique et doctrinal très important qui fait malheureusement régulièrement polémique au sein du Régime Ecossais Rectifié, principalement en France et en Italie, deux terres traditionnelles où l’Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l’Univers connaît une vivacité discrète mais certaine.
Jean-Marc Vivenza dont les travaux érudits sont toujours précieux met d’emblée le lecteur en garde contre deux crispations : « l’une consistant à considérer le Régime Ecossais Rectifié comme une simple reproduction, bien que privée de sa partie théurgique, de l’Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l’Univers, l’autre visant à ne reconnaître aucun lien ni rapport entre le système de Willermoz et les enseignements dispensés par Martinès de Pasqually. »
Jean-Marc Vivenza identifie très clairement la nature sacerdotale du système des Elus Coëns. Ce point est essentiel pour comprendre la subtile résonance entre les Elus Coëns et le R.E.R.. Il est d’ailleurs regrettable de rencontrer aujourd’hui des branches coëns qui, par ignorance ou par paresse, ne retiennent de cette tradition exemplaire que sa forme maçonnique, niant sa réalité sacerdotale et son fondement théurgique.
« Comme nous le voyons, l’originalité profonde de l’Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l’Univers, venait précisément de cette vocation sacerdotale qu’il se proposait de conférer à ses membres les plus qualifiés et dignes de confiance. En quelque sorte, plus qu’une maçonnerie détentrice de quelques secrets initiatiques de nature symbolique, l’Ordre institué par Martinès était, positivement, une société religieuse dans laquelle, concrètement, officiaient des authentiques prêtres, du moins pour ceux, c’est-à-dire les Réaux-Croix, appartenant à l’ultime classe du Sanctuaire, capables de célébrer, dans son intégralité, le culte primitif.
On imagine ce qu’il pouvait y avoir d’incomparablement supérieur, du point de vue ésotérique et spirituel, dans cet Ordre certes faible numériquement, mais en possession d’un inestimable savoir touchant aux mystères les plus hauts. Les clefs, permettant de pénétrer à l’intérieur des subtiles énigmes que sont les innombrables questions portant sur les raisons de notre douloureuse et pénible situation en ce monde, ainsi que les moyens effectifs de recouvrer nos droits perdus depuis la Chute, réponses que tous, au XVIIIè siècle comme depuis toujours, mais avec une fièvre et un empressement bien en rapport avec l’état d’esprit dominant dans les périodes troublées et incertaines de l’Histoire, avidement recherchaient dans des voies incomplètes, inexactes, clefs et moyens donc, qui s’offraient apparemment enfin au chercheur sincère et à « l’homme de désir » véritable.»
Avec la même précision, il éclaire le lien indiscutable entre le RER et l’œuvre de Martines de Pasqually :
« Il apparaît ainsi incontestable, que l’Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte est porteur d’une base spirituelle et d’un héritage historique directement issus des enseignements de Martines de Pasqually, et qu’il faut se rendre complètement sourd et passablement fermé, voire autiste, face aux éléments formels que nous recevons par les différentes sources historiques disponibles, mais il est vrai qu’il n’y a pas de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, pour refuser de convenir que ce qui a uni, profondément, le Régime Ecossais Rectifié avec la doctrine martinésienne, participe d’une incontestable et directe filiation dont la Grande Profession, en toute logique, fut détentrice de par les éléments propres qui y seront déposés par Jean-Baptiste Willermoz, lui-même, ne l’oublions pas, détenteur en tant que Réau-Croix, de l’intégralité de la transmission Coën… »
Jean-Marc Vivenza, par l’étude historique et la comparaison doctrinale, ne fait pas que mettre en évidence les liens entre les deux systèmes initiatiques, il identifie leurs natures respectives et leurs projets, de désir ou réels. Après avoir présenté les éléments coëns au sein du R.E.R. que sont les outils symboliques de la « Réintégration », il traite de quelques points essentiels comme La double nature et son implication spirituelle ou La symbolique de la réédification du temple comme figure de l’image et de la ressemblance.
Il pose alors une question nécessaire. Martinès de Pasqually dénonçait le caractère apocryphe de la Franc-maçonnerie. Qu’en est-il alors de ce régime Ecossais Rectifié héritier de son propre système ?
« la constitution du Régime Ecossais Rectifié a sans doute été, en tous les cas pour Willermoz et les frères les plus proches de lui qui l’assistèrent dans son entreprise (…) une volonté de perfection de l’Ordre des élus coëns. (…) le Régime Ecossais Rectifié corrige les coëns de par la place qu’il fait, notamment au sein de l’Ordre Intérieur, à la Sainte Trinité, qui est l’objet d’une révérence très marquée et insistante. En second lieu, le Régime Ecossais Rectifié dans son enseignement, contrairement à Martinès, possède une christologie exacte, puisqu’il déclare très nettement croire en la double nature du Christ et affirme reconnaître en Jésus le Messie vrai-Homme et vrai-Dieu. »
Jean-Marc Vivenza, s’appuyant à maintes reprises sur les travaux de Robert Amadou, reconnaît au R.E.R. une véritable orthodoxie et, pour lui, il ne fait aucun doute que la qualification d’apocryphe ne peut s’appliquer au Régime voulu par Willermoz.
« L’idée principale de la « Réintégration » se retrouve bien chez Willermoz dans cette vision d’un rétablissement général en sainteté du monde manifesté chuté, y compris, peut-être, et sous certaines conditions, les êtres prisonniers de l’Enfer parce qu’ils furent trompés par les artifices de l’Adversaire de Dieu »
Plus encore, le Régime Ecossais Rectifié « est le conservateur, le gardien et le continuateur du Haut et Saint Ordre. Cette fonction de conservation constitue une charge sacrée d’autant plus impressionnante que sous cette appellation, Willermoz pense à l’Ordre des élus de l’Eternel, c’est-à-dire à la sainte et pieuse société religieuse qui traverse les siècles depuis les origines… »
« le Régime Ecossais Rectifié n’est pas « non apocryphe » parce qu’il serait chrétien même si c’est sa nature spirituelle la plus profonde, mais parce qu’il est détenteur de la doctrine, héritier de la transmission, porteur et dépositaire de la filiation du Haut et Saint Ordre que cultivent, et préservent secrètement, les Grands Profès du Régime. Le Régime Ecossais Rectifié est ainsi placé – le seul au sein du monde maçonnique – sous les auspices d’une initiation qui s’opère par le passage par les trois essences spiritueuses, la symbolique des nombres, le sens des batteries, etc., et dont la source se trouve dans un Ordre qui est l’unique détenteur des sciences et connaissances primitives de l’homme. »
Le régime Ecossais Rectifié de Willermoz n’a donc jamais renoncé à la « Réintégration », sens véritable de l’Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l’Univers. Tout au contraire, il perpétue et préserve l’œuvre des Elus Coëns. Cette conclusion est lourde de conséquences éthiques et opératives pour les membres du dit Régime.
Le Mercure Dauphinois, 4 rue de Paris, 38000 Grenoble, France.