Va sans voie. Recueil de textes sur la
Lumineuse Ténèbre par Marie-Ange Seulen, Michel Cazenave, Jean-Marc Tapié de
Céleyran, Editions Arma Artis.
Thème essentiel, transversal à nombre
de traditions, pointant vers les métaphysiques non-duelles, la « ténèbre
divine » aborde non seulement la question des enantiodromies mais aussi de
renversements « verticaux ». La « ténèbre divine » évoque
le jeu divin du néant et de la plénitude, du rien et du tout. Elle exige le
silence comme mode opératoire, comme demeure et comme essence. Elle rend compte
d’un mystère et d’une mystique tout à la fois, plénitude du Grand Rien, néant
souriant de Dieu.
Les trois auteurs se sont restreints,
avec sagesse, au christianisme.
Michel Cazenave évoque un chemin des
ténèbres de Dieu, plus direct peut-être que tout autre :
« Toutes choses qui d’évidence,
dérivent de la Cabale et de ses considérations sur l’aleph divin qui précède le beth
initial de la Genèse – et où l’on introduit une différenciation entre un aleph tenebrosum (Dieu comme ténèbre) et
un aleph lucidum (Dieu comme
lumière), étant bien entendu que c’est toujours l’aleph de l’Aïn Soph.
Autrement dit, et comme s’en est expliqué cet immense théologien qu’était
Miguel de Molinos dans le Guide spirituel :
« Sache que le chemin des ténèbres est le plus profitable et le plus
parfait, sûr et droit, parce que le Seigneur y loge son trône : « Il
mit autour de lui des ténèbres pour son voile » (Psaumes, 18, 12). Par les ténèbres, la lumière surnaturelle croît
et grandit. » »
Michel Cazenave convoque Plotin,
Maître Eckhart, pseudo-Denys, saint Jean Chrysostome, Jean de Bernières,
Hadewijch d’Anvers, entre autres, et bien sûr Marguerite
Porete lorsqu’elle « invoque le « Néant », lorsqu’elle
parle de theosis, c’est-à-dire de
devenir ce que Dieu « est »
(un pur rien), lorsqu’elle avoue que, parvenue à un certain état, elle n’a plus
envie de rien, même de Dieu… »
Nos trois auteurs nous offrent des
perles de mots choisis, extraits des textes les plus puissants qui soient sur
ce sujet qui vivifie les traditions chrétiennes : Le Cantique des cantiques, saint Paul, saint Thomas, Philon
d’Alexandrie, Grégoire de Nysse, Denis l’Aéropagite, Isaac le Syrien, Symeon le
nouveau théologien, Hadewijck d’Anvers, saint Thomas d’Aquin, Angele de
Foligno, Marguerite Porete, Maître Eckhart, Tauler, Madame Guyon, Malcom de
Chazal, etc.
Ecoutons justement Malcom de
Chazal :
« Où il y a FEU, la LUMIERE
IMMANENTE qui est Dieu invisible sous le masque de la Nuit, se rend visible par
réflexion. Où il y a Amour, où il y a feu, l’Absolu donne sa lumière réfléchie
en don de Vérité – en réflexion, parce que la LUMIERE, VISAGE DE DIEU, est
inatteignable, invisible, impensable, inconcevable, invivable, et c’est la
Nuit, Visage fait invisible du DIEU-LUMIERE, LUI que nul œil n’a vu et ne verra
jamais.
LA
LUMIERE est là, mais ELLE se manifestera à tout jamais sous le Masque de la
Nuit. Nous savons que cette LUMIERE est là, par le contact de sa PRESENCE,
présence de la Nuit, Infinie Lumière, Dieu, qui embrasse, qui tient, qui
enlève, qui baigne, qui lave, qui sauve, - symbole de la Joie et corps de
Résurrection. »
Ce n’est certes point un hasard si le
poète mauricien, qui fascina tant et André Breton et Sarane Alexandrian, vient
clore cet ouvrage précieux.. Il sut, avec art, jouer de la langue pour exprimer
ce que la langue ne peut, ne pourra jamais énoncer.
Editions Arma Artis, BP 3, 26160 La Bégude de
Mazenc, France.