Le cycle de l’humanité
adamique de Jean Phaure, Editions Dervy.
Cette introduction monumentale à l’étude de la cyclologie
traditionnelle et de la fin des temps, préfacée par Jacques d’Arès fut publiée
il y a quatre décennies.
Le temps cyclique est un temps traditionnel. Il se différencie en ce
sens au temps linéaire qui s’est imposé dans les modèles du temps
monochroniques des sociétés industrialisées. Jean Phaure (1928-2002) a réalisé,
nous dit Jacques d’Arès, « une ambitieuse synthèse de la tradition
primordiale considérée dans son « devenir », permettant ainsi une
remise en ordre métaphysique et traditionnelle de notions trop souvent
éparses. ». Il faut noter les guillemets qui cernent le mot
« devenir ». En effet la Tradition demeure, ni elle n’advient, ni
elle ne devient mais notre rapport à la Tradition, forme verticale du rapport
au savoir, est bien en mouvement. Jacques d’Arès insiste sur le fait que cette
synthèse n’aurait pu aboutir sans le sens poétique de Jean Phaure :
« Quand aux facultés de synthèse, bien que l’exemple ne puisse être érigé
au rang de loi, je considère que Jean Phaure les tient de son tempérament de
poète et d’artiste. L’intuition esthétique – cette Aisthésis célébrée par Paul Le Cour – est en effet indispensable
pour compléter et affiner les résultats de l’analyse rationnelle. ».
Cet ouvrage « non conformiste » est articulé autour de
plusieurs axes que dégage Jacques d’Arès dans sa préface :
-L’ordonnancement du cosmos selon des lois
dont certaines échappent encore à la science mais pas à la tradition.
-Mythes, légendes et cosmogonies rendent
compte du mouvement de l’humanité vers et à travers l’Esprit en quatre phases.
-Microcosme et macrocosme connaissent une
organisation cyclique.
Le voyage initiatique à travers les cycles est pour Jean Phaure un
voyage de l’avoir à l’être, soit de la dualité à la non-dualité.
Le travail de synthèse de Jean Phaure, obéit lui-même à une
approche cyclologique. Il fut repris plusieurs fois afin de s’étoffer,
s’enrichir, se préciser jusqu’à sa version finale. Guénonien éclairé, Jean Phaure
fut aussi un proche de Paul Le Cour. Il emprunta le meilleur de René Guénon et
de Paul Le Cour, deux styles et deux pensées très opposés, pour réaliser sa
synthèse, rigueur et sens de l’enchantement. Il fut sans doute aussi influencé
par Raoul Auclair, malheureusement oublié et Simone Weil. Poète et
métaphysicien (il y a ici quelque chose du pléonasme), Jean Phaure a su se
dégager des enfermements et des condamnations de René Guénon, pour ne pas
rejeter la mystique. Son travail va aussi converger avec celui de Vlaicu Ionescu qu’il fera publier en France.
Dans toute étude cyclologique, il y a une dimension prophétique
marquée par le risque de confusion. La prophétie ne doit pas être entendue
comme prédiction mais comme plan inspiré, non comme annonce d’événement mais
comme orientation vers une réalisation spirituelle. L’interprétation d’une
cyclologie ne doit pas instituer une nouvelle causalité linéaire qui
éloignerait du but et nous ferait retomber dans la lourdeur dualiste. La
recherche d’un « âge d’or » commun à toutes les traditions, se perd
dans les sens historique et temporel. Il s’agit d’accéder à un état permanent,
hic et nunc. Finalement, une cyclologie est une pragmatique initiatique. Elle
modifie notre rapport au Réel et vise à nous extraire des cercles illusoires de
la représentation. C’est un appel au silence. Si le monde est une matière à
travailler alchimiquement, il est porteur d’un entendement pour qui sait lire
et voir à travers les cycles un processus de réintégration, réalisation, reconnaissance,
de l’état originel et ultime.
A travers toutes les traditions et révélations, Jean Phaure dégage
une structure unique de réalisation qui s’entend à la fois pour « son
temps » et pour tous les temps. Il nous parle d’une permanence de l’être
et il convient de ne pas l’oublier, le risque de superstition apocalyptique
restant puissant comme nous avons pu le voir une fois de plus en 2012.
Cette réédition est donc bienvenue pour se réapproprier une
dimension traditionnelle souvent malmenée. Le message synthétique de Jean
Phaure met de fait le lecteur à distance et l’invite à une méta-analyse. Jacques
d’Arès parle de ce livre comme d’un « plaidoyer pour l’Esprit ».
Editions Dervy, 19 rue Saint-Séverin,
75005 Paris, France.