Le temple symbolique des Francs-maçons par Dominique Jardin. Collection Renaissance Traditionnelle. Editions Dervy, 19 rue Saint-Séverin, 75005 Paris, France.
Le templarisme est au cœur de la symbolique et de l’initiation maçonnique. Cependant, l’archétype du Temple et son déplacement à travers les traditions et les époques reste le plus souvent mal compris. Ce livre, très complet, sur la fonction du temple comme mythème central de la Franc-maçonnerie en la plupart de ses rites, nous permet d’avancer dans la compréhension des fondements de l’initiation maçonnique.
C’est par l’image que Dominique Jardin veut justement explorer le jeu de miroirs des mythèmes du Temple. Grâce à une iconographie aussi riche que soignée, il nous propose de « visiter les images » et de renouer non pas seulement avec l’interprétation mais bien avec une nécessaire herméneutique.
En permanence, l’initiation maçonnique met en jeu, voire en œuvre, plusieurs rapports au temple :
« Le temple des Francs-maçons, nous dit l’auteur, est d’abord le temple maçonnique, lieu réel où les frères s’assemblent régulièrement en « tenues », nom donné à leurs réunions de travail. Mais c’est aussi un idéal projeté sur le modèle du temple de Salomon, pour mieux construire le futur temple de la cité idéale. Ainsi, les Francs-maçons construisent eux-mêmes la structure qui les accueille, puisqu’ils se réunissent dans une loge pour y construire un temple. Enfin, pour chaque Franc-maçon, le temple est aussi un temple individuel, celui de l’initié qui vient en loge « honorer la vertu et creuser des cachots pour les vices » et y recueillir la lumière dont il devient fils ».
Dominique Jardin repose la question de l’ésotérisme maçonnique ou de l’ésotérisme en Franc-maçonnerie, question, rappelle-t-il, qui clive encore le champ maçonnique. En résumant ce qui caractérise l’ésotérisme dans sa définition universitaire, il montre comment l’ésotérisme imprègne la symbolique maçonnique et plus encore, la justifie. En contextualisant ses apports et ses influences, nous pouvons déterminer la part d’ésotérisme et son intérêt dans les différents rites, ainsi de l’hermétisme, de la doctrine trinitaire, du noachisme, de la doctrine de la réintégration…
Trois grandes thématiques, associées au Temple maçonnique, sont identifiées dans ce livre, celle de la quête de l’Origine, « la construction d’une cosmogonie, voire d’une cosmologie initiatique » et celle de « la construction et surtout reconstruction du temple ».
C’est en puisant notamment dans l’iconographie et les rituels de trois rites que Dominique Jardin développe son analyse et pénètre les sens possibles des symboles assemblés, le Rite Ecossais Ancien et Accepté, le Rite Français et le Rite Ecossais Rectifié. Il examine tout d’abord « le temple dans tous ses états », l’évolution des représentations du temple dans l’histoire et la manière dont la Franc-maçonnerie s’est appropriée, dans ses discours et dans ses symboles, ce mythème fondamental. Puis, il développe les trois thématiques de l’Origne, de la cosmogonie initiatique du Temple et de sa reconstruction.
Il existe un « enchâssement » des significations des symboles du Temple et de ses éléments qui constituent la matière même du processus initiatique maçonnique, particulièrement Ecossais. Le travail, tout à fait remarquable de Dominique Jardin, permet non seulement au lecteur attentif une compréhension accrue de ce qui est là, au fondement des rites, mais d’atteindre une opérativité qui ne se donne pas d’emblée. Il met en garde contre l’illusion de la filiation templière qui écarte du véritable objet de la quête, la construction du temple et du Temple en soi, forme et archétype vivants.
Alors que bien souvent, l’histoire, science profane, éteint la dimension initiatique, elle est ici à son service. Sans jamais se départir de la rigueur exigée par l’approche historique, Dominique Jardin ne perd jamais de vue la finalité initiatique et de ce qui la nourrit, religions, philosophies, ésotérismes… Il pose des jalons, indiquent les nombreuses portes que le lecteur est invité à pousser, et parfois même, en laisse volontairement la clef bien visible.