A Rennes-le
Château, le 1er août 2015, s’est déroulée avec succès une manifestation
organisée par l’association l’Œil du Sphinx, à la salle municipale de la
Capitelle, autour du thème de l’imaginaire et de la Franc-maçonnerie, rencontre
très réussie tant la multiplication des colloques institutionnels à caractère
historique, certes intéressants du point de vue de chronos, finit par assécher
la recherche initiatique qui, nécessairement, s’affranchit de l’histoire
qu’elle soit personnelle ou collective.
En
redonnant à l’imaginaire la place qui lui convient dans la démarche
initiatique, ce colloque veut revivifier une Franc-maçonnerie faussement
vivante. Les deux axes de travail retenus étaient La maçonnerie dans l’imaginaire populaire et Les écrivains de l’Imaginaire qui sont « frères ». Quels sont
leurs genres ? Leur appartenance se manifeste-elle dans leurs
écrits ?
Après
une introduction de Lauric Guillaud et Philippe Marlin, les intervenants se
sont succédé :
Laurent
Buchholtzer : « Un exemple de prophétie auto réalisatrice : le
complot maçonnique contre le Trône et l’Autel ». Laurent Buchholtzer a voulu mesurer et analyser
l’influence, réelle ou supposée des accusations de complot adressées à
l’institution maçonnique à l’issue de la révolution française, accusations qui
furent souvent revendiquées par les francs-maçons eux même un siècle plus tard.
Bernard
Fontaine : « de Léo Taxil aux Illuminati. Le Diable au sein de la
conspiration ». Bernard
Fontaine a présenté l'affaire Léo Taxil comme la source la plus importante
impliquant la figure de Satan au sein de la notion de conspiration et son
évolution depuis l'abbé Barruel. Cette présence du Diable n'était pas nouvelle,
mais elle a pris une ampleur particulière avec l'œuvre populaire de Léo Taxil
influençant le mythe illuminati et ses élites diaboliques.
Georges
Bertin : « Imaginaire chevaleresque etFranc-maçonnerie ». La franc-maçonnerie en ses diverses approches se
recommande volontiers de la tradition chevaleresque, les deux autres
traditions convoquées étant le compagnonnage et la Bible. A la fin du 19e
et depuis, les Avaloniens et l'Ordre international des chevaliers et dames de
la Table Ronde mentionnent à l'inverse leurs racines maçonniques. Georges
Bertin, chercheur en sociologie, socio-anthropologue, docteur en sciences de
l'éducation, auteur de nombreux essais, a tenté de mettre en évidence ces
croisements d'influence et leurs réceptions.
Patrizia
d’Andrea : « La franc-maçonnerie au féminin : aperçus
romanesques ». Les romans de franc-maçonnerie, publiés à foison
aujourd’hui, prennent naissance dans les mêmes paradigmes du XIXe
siècle entre polar historique et intrigue romanesque. Patricia d’Andrea, docteur
en Littératures comparées de l’Université Paris IV-Sorbonne, relève les
variantes, les enjeux, les motifs autour des femmes dans le traitement du
thème. Quelle est La Franc-maçonnerie des
femmes décrite par les hommes, comme la désigne le titre du roman de
Charles Monselet (1856) ? Et aussi, est-ce que les romans écrits par des
femmes, maçonnes, s’en distinguent et comment ?
Richard
Lescure : « Voyages initiatique dans l’œuvre de Jules
Verne ». Richard Lescure, docteur en linguistique et phonétique -
Enseignant-chercheur en sciences du langage, s’est proposé d’analyser, dans
quelques ouvrages de Jules Verne, la question de la démarche initiatique telle
qu’elle apparaît à différents niveaux : passage de l’enfance/adolescence à
l’âge adulte, initiation symbolique, rituélique, voyages compagnonniques etc.
L’œuvre de Jules Verne fut examinée sous l’angle du scénario du voyage vers l’inconnu, la
confrontation à la mort, où les héros sont exposés à des séries d’épreuves qui
vont transformer radicalement l’homme « profane » et lui permettre de
« renaître ».
Gilles
Menegaldo : Esotérisme, occultisme et fantastique dans
l’œuvre de HP Lovecraft. Gilles Menegaldo, professeur
émérite de littérature américaine et cinéma, s’est attaqué a nombre de préjugés et
présupposés concernant Lovecraft qui a longtemps été entouré d'un certain
mystère. Son œuvre a suscité des interprétations qui se sont effondrées à la
fin des années soixante avec la publication de sa volumineuse correspondance.
Serge Hutin et Jacques Bergier, notamment, ont contribué à
répandre l’idée d'une création lovecraftienne ésotérique, alors que l'auteur
l'a voulue purement fictionnelle. Il est cependant évident que la notion de
secret tient une grande place chez Lovecraft, mais elle est liée à des
intentions de fiction fantastique liée à l'interdit
et au savoir transgressif. Ces secrets seraient cachés au cœur des
choses et pourraient être déchiffrés. Ils ne sont connus que des initiés et
transmis par la tradition. Certains grimoires ou ouvrages contiendraient aussi
des secrets (d’où l’importance de la « bibliothèque imaginaire » dans
l’œuvre). Les héros lovecraftiens doivent décoder des signes qui mettent en
cause leurs certitudes ou leur identité dans des histoires qui adoptent souvent
une structure de récits initiatique.
Lauric
Guillaud : « Le parcours ésotérique de Conan Doyle : de la
franc-maçonnerie au spiritisme ». Lauric Guillaud, professeur
émérite de littérature et de civilisation américaines à l’Université d’Angers,
s’est intéressé à Conan Doyle,
spiritualiste et franc-maçon, qui, à l’instar de ses contemporains (Kipling,
Haggard), était loin d’être insensible à l’appel de l’occulte. Familier des
sociétés discrètes ou secrètes, il en utilisa les ressorts dramatiques pour
plusieurs histoires de Sherlock Holmes. Doyle entretint un rapport complexe
avec ce monde occulte, entre croyance et méfiance (conspirationnisme dans La Vallée de la peur, 1915), avant de
sacrifier son œuvre au spiritisme (Au
pays des brumes, 1926).