La
Franc-maçonnerie à la lumière du Verbe. Le Régime Ecossais Rectifié de
Jean-François Var, collection Bibliothèque de la Franc-maçonnerie, Editions
Dervy.
Jean-François
Var est un franc-maçon rectifié bien connu et un prêtre orthodoxe. Sa pensée
est constituée d’un alliage philosophique et spirituel né de cette double
expérience. Préfacé par José A. Ferrer Benimeli, spécialiste des relations
entre Eglise et Franc-maçonnerie, l’ouvrage de Jean-François Var développe une
sorte de religiosité du Régime Ecossais Rectifié quelque peu enfermante mais
tout à fait intéressante en tant que chemin spirituel.
Son
premier mérite est, dans un exorde précis, d’éclairer le lecteur sur ce qui
fonde sa pensée et sur son intention. Se démarquant de René Guénon, de sa
« métaphysique athée » comme de Jean Tourniac, et de son
affect », deux personnalités et deux œuvres qui auront toutefois marqué
son cheminement, Jean-François Var met aussi en garde contre la tentation
templière et propose une doctrine à travers douze conférences, douze textes,
qui, précise-t-il « forment chacun un tout, et chacun doit être considéré
comme tel, indépendamment des autres ».
Jean-François
Var développe et revendique un « parti pris ». Il positionne la
Franc-maçonnerie chrétienne dans le cadre de l’illuminisme qui donne sens à
l’expression Les Fils de la Lumière. Il évoque les quatre enseignements de
la doctrine rectifiée et insiste sur la
fonction de la Résurrection du Christ dans le processus de
Réintégration. Il dénonce les sectarismes, à juste titre, se méfie des
« ésotérisants » et répète que seule l’initiation chrétienne est
complète. Et là, comme souvent, naît l’ambiguïté. La proposition est recevable
dans une perspective non-duelle qui traverse toutes les formes y compris les
formes chrétiennes. Elle ne l’est plus dès lors qu’il y a identification
dualiste à la forme. Tantôt Jean-François Var semble manifester l’œuvre des
« vivants », de ceux qui participent du Christ et reçoivent l’Esprit
Saint, quelle que soit les chemins traditionnels empruntés, tantôt il fait le
choix de la théologie plutôt que de la théosophie (s‘appuyant parfois à contre
sens sur Robert Amadou). Néanmoins, la partie centrale de l’ouvrage, consacrée
à L’initiation et le Christ, peut réellement nourrir le processus
initiatique dès lors qu’on ne tombe pas dans un nouveau dogmatisme.
L’auteur
rappelle la fonction du Régime (ou Rite) Ecossais Rectifié, voulu par
Jean-Baptiste Willermoz : celle de « conservatoire « de la doctrine
de Martines de Pasqually et de son Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de
l’Univers qu’il définit comme « un lieu où, non seulement on sauvegarde et
on préserve, mais aussi on enseigne et on pratique, donc on transmet et on
perpétue, une tradition vivante ». Il nous parle d’une « science de
l’homme », d’un art initiatique, d’une méthode qui réduit la distance à
notre origine. Sur cette méthode, il convient de s’interroger. En effet, s’il
s’agit de conserver la doctrine des Elus Coëns basés sur une pratique opérative
de nature théurgique, que devient-elle au sein du R.E.R. ? Pour Robert Amadou,
la « Bienfaisance » était dans le cadre du Rectifié l’équivalent de
la théurgie. Mais de quelle Bienfaisance parle-t-on ? De toute autre chose que
de la charité ou du bien commun. Le « Bien faire », cet ajustement à
l’intention originelle relève d’une subtilité remarquable de l’Esprit.
Jean-François
Var, lui, évoque une forme de « mystique ».
« L’initiation
est un moyen accordé par Dieu à l’homme pour réparer la chute de celui-ci. Mais
seul le Christ, le Verbe incarné, unissant en Lui la nature divine et la nature
humaine, en a le pouvoir. Donc, pour fonctionner, si l’on ose parler ainsi,
l’initiation doit, de toute nécessité, être vécue comme un passage par le
Christ pour faire retour à l’éternité, ou plutôt à l’Eternel. Car
« nul ne va au Père que par Lui » (cf. Jean 14,6). S’il en est
autrement, ou bien l’initiation est nulle, ou bien elle agit à
rebours, et alors!…
Ainsi,
l’identification initiatique à Hiram mort et ressuscité est bel et bien une
identification au Christ mort et ressuscité. C’est donc réellement « l’identification à la divinité » dont
nous parlions au début de ce travail, c’est une des voies de la déification.
Ici
venus, ajoutons, car il s’impose, un avertissement important. L’identification
au Christ mort et ressuscité opérée par la voie de l’initiation est une
identification symbolique. Mais le symbole qui ne débouche pas sur la
réalité plénière à laquelle il a fonction de faire accéder est un symbole mort.
C’est une porte fermée, ou bien une porte factice. Donc cette identification
symbolique doit être accompagnée et vivifiée par une identification réelle que
seule procure la voie sacramentelle. L’initiation, pour agir par et dans le
Christ exige le sacrement. »
L’initiation
libère, y compris de l’initiation. Ce mouvement est bien présent dans
l’expérience de l’auteur, mais parfois repris par les crispations théologiques.
Cependant l’expérience, la longue expérience spirituelle de l’auteur est riche
d’enseignement. C’est là sans doute le plus important, la rencontre entre
l’auteur et le lecteur est une rencontre entre deux cherchants. C’est dans
cette rencontre que la richesse initiatique peut apparaître au jour.
Editions Dervy, 19 rue Saint-Séverin,
75005 Paris, France.