Le Vulnéraire du Christ de Louis
Charbonneau-Lassay. Editions Gutemberg Reprints, 19 rue Saint-Séverin, 75005
Paris, France.
Louis
Charbonneau-Lassay (1876-1946) est connu pour son
célèbre Bestiaire du Christ. Il a
voulu, sa vie durant, rassembler les réponses iconographiques et symboliques à
une « obsession du Christ » qui dura quinze siècles et qui imprègne
nos arts. Erudit et visionnaire, respectueux de la discipline de l’arcane,
membre de l’Etoile Internelle, société initiatique aussi réservée que discrète,
son œuvre, essentielle, connut bien des aléas. Louis Charbonneau-Lassay
rencontra René Guénon dans le cadre de la revue Regnabit à laquelle il contribua de 1922 à 1929. Ils demeurèrent
très proches.
Le manuscrit original du Vulnéraire
fut subtilisé aux légataires par un prétendu représentant de la revue Plaisir de France qui disparut dans la
nature. D’autres textes préparatoires au Floraire
et au Lapidaire furent dérobés au
domicile de Louis Charbonneau-Lassay quelques temps avant sa mort. Nous devons
à Gauthier Pierozak, spécialiste de Guénon, qui étudie actuellement des
archives retrouvées de Louis Charbonneau-Lassay, la reconstitution du Vulnéraire du Christ.
C’est la troisième tentative de reconstitution du Vulnéraire depuis la perte du manuscrit original. La première
réside dans la réédition dans les années 1980, par Gutemberg-Reprints, des
articles de Louis Charbonneau-Lassay parus dans Regnabit de 1922 à 1926 puis Le Rayonnement intellectuel de 1934 à
1939 dans lesquels le thème du Cœur et des blessures du Christ étaient central.
Puis, PierLuigi Zoccatelli publia en trois volumes, en italien, la matière des
articles réorganisée pour correspondre aux projets de Louis Charbonneau-Lassay :
Floraire, Lapidaire, et Vulnéraire du
Christ. C’est sur cette base augmentée de nouveaux documents, correspondances
et articles, que Gauthier Pierozak a réalisé ce travail remarquable, la plus
proche réalisation possible de l’original, abandonnant l’organisation
chronologique pour mieux correspondre à la pensée de l’auteur.
Dans cette
version, l’ouvrage est organisée en grandes parties intitulés : Les représentations des cinq plaies du
Christ dans l’art chrétien primitif – Figurations de la plaie latérale de Jésus
– Les représentations de l’effusion du sang rédempteur – Les plantes
emblématiques des cinq plaies du Christ – Les pierres emblématiques du Christ
vulnéré – L’emblématique du cœur vulnéré du Christ – L’iconographie du cœur de
Jésus dans les armées contre-révolutionnaires de la Vendée – Figurations diverses
afférentes ou étrangères au culte du cœur de Jésus. Les nombreuses tables
et index proposés font de ce livre un véritable outil de travail pour qui s’intéresse
au symbolisme chrétien et à la manière dont le christianisme s’est approprié en
les réorientant les symboles non chrétiens.
Erudit, Louis
Charbonneau-Lassay est également un artiste véritable dont témoigne la qualité
de ses gravures sur bois :
« La
magie de l’œuvre de Louis Charbonneau-Lassay, nous dit Gauthier Pierozak, tient
à la fois dans la qualité de ses sources iconographiques et archéologiques et
dans la qualité des gravures sur bois qu’il a effectuées pour accompagner ces
informations d’images emblématiques. Une grande partie des références de l’auteur
dans ses travaux sur les Cinq Plaies et le Cœur vulnéré du Christ provient d’ailleurs
de sa propre collection personnelle d’objets anciens, qu’il a découverts au
cours de ses recherches. »
La qualité des bois et donc des illustrations participe à l’intérêt du
travail de Louis Charbonneau-Lassay. En effet, sans la
qualité iconographique, ses précieux commentaires perdraient pour beaucoup de
leur pertinence.
Voici, à
propos du Saint Graal, un extrait, court mais marquant l’importance de ce livre :
« Il
est aussi une autre coupe dont j’ai déjà parlé au chapitre précédent en
étudiant le symbolisme christique des pierres précieuses, celle des confrères
de l’Estoile Internelle, qui est au
moins aussi ancienne que les documents que je viens de citer. Dans les écrits
qui concernent ce groupement et qui m’ont été communiqués, il n’est point directement
question du Saint Graal et pourtant l’insigne principal de cette institution n’est
point une étoile, mais un ciboire dans lequel une pierre rouge doit être placée.
Nous avons vu précédemment que le Rubis-escarboucle, l’Hématite, la Cornaline,
le Jaspe sanguin, le Corail, et toutes les pierres de couleur rouge étaient
rangées par nos pères du Moyen-Âge au nombre des emblèmes du sang divin. Le
dessin du recueil de l’Estoile Internelle qui représente cette coupe et sa
pierre est très explicite car au-dessous nous lisons : … Unus militum lancea, latis ejus aperuit et
continuo exivit sanguis et aqua, un soldat lui ouvrit le côté, et il en
coula du sang et de l’eau.
C’est à
propos de cette pierre rouge de l’Estoile Internelle que je reviens à ce que
Wolfram von Eschenbach a dit du Graal dans Parzival,
car, pour lui, le graal est une pierre qu’il appelle Lapsit exillis, expression proprement intraduisible que certain
sont interprétée par lapis e coelis, « la
pierre tombée du ciel » ce qui évoque l’émeraude tombée du front de
Lucifer ; d’autres font dériver Lapsit
exillis de exilium et traduisent
par « pierre exilée » - exilée du ciel – ce qui revient au même. Sur
cette pierre, W. d’Eschenbach nous dit que chaque Vendredi-Saint une colombe
descendait du ciel en planant et venait y déposer une petite et blanche hostie,
et c’est celle-ci qui donnait à la pierre la vertu que toutes les autres
versions de la légende du Graal attribuent au « saint Vessel », d’être
source intarissable de tous biens, de toutes choses délicieuses et
confortantes, et d’être aussi ferment de toute pureté, de toute chasteté. »
Il convient de remercier Gauthier Pierozak pour
son travail exceptionnel et d’insister sur l’importance de cet ouvrage,
magnifique et indispensable.