Le baron de Hund et la Stricte Observance Templière d’André Kervalla, La Pierre
Philosophale Editions.
La
Stricte Observance Templière constitue l’un des vecteurs de la création par Jean-Baptiste
Willermoz du Régime Ecossais Rectifié.
Le
baron allemand Charles de Hund, à l’origine de la Stricte Observance Templière,
dans une période complexe de l’histoire maçonnique et de l’histoire tout court,
est une personnalité particulièrement intéressante, très controversée, parfois
accusée, à tort, de tous les vices.
André
Kervella, auteur de nombreux travaux historiques sur la Franc-maçonnerie
cherche à répondre à cette question : pourquoi les membres de la Stricte
Observance Templière furent amenés à se prétendre « héritiers des anciens
chevaliers du Temple, sous l’autorité de Supérieurs Inconnus ». On sait
que Willermoz trancha radicalement, et avec sagesse, cette question en
renonçant à cette prétention dans le cadre du Régime Ecossais Rectifié.
Le
travail d’André Kervella est important non seulement pour la période
considérée, la deuxième partie du 18ème siècle, mais elle le demeure
jusqu’à nos jours pour au moins deux raisons. L’idéal templier, indépendamment
de la référence à l’Ordre du Temple historique perdure en Franc-maçonnerie. Le
fantasme pernicieux de la prétention à une filiation historique avec l’Ordre du
Temple n’a jamais cessé de polluer la scène ésotérique européenne et mondiale.
André
Kervella note d’emblée que l’incapacité de la littérature maçonnique a
distingué entre l’histoire des faits et l’histoire des idées, deux niveaux
logiques différents exigeant des méthodologies et des analyses différentes, même
si complémentaires, a exacerbé les polémiques quant aux motivations et aux
références du baron von Hund.
Le
projet du baron est presque concomitant à l’apparition des grades dits écossais au début
du 18ème siècle or cette apparition reste difficile à analyser en
raison d’une documentation encore insuffisante et d’un contexte socioculturel
et politique mouvementé. La naissance de la Stricte Observance Templière ne
peut être séparée de la question stuartiste alors épineuse.
On
sait aujourd’hui qui a remis au baron Charles de Hund sa patente et d’où lui
venaient ses prétentions templières. André Kervella démontre aussi que qi la
question stuartiste ne peut être ignorée, la SOT ne participe pas d’un complot
stuartiste. Il met en évidence le rôle obscur et très politique du comte
Marischal dans cette aventure. Il cerne la question de l’influence jacobite.
L’un
des grands intérêts de l’ouvrage, outre l’apport historique très étayé est de
contribuer à la compréhension de la construction du mythe ou à ses glissements
et de poser les bonnes questions.
« A
l’analyse conclut-il, c’est plutôt la notion de filiation qui suscite des
difficultés. Dès qu’une institution est fondée, d’ailleurs sans avoir eu le
temps de parachever son discours sur la pseudo-tradition dont elle se réclame,
elle peut en créer d’autres et ainsi de suite, selon le système des loges
filles qui a connu une belle expansion dans la première moitié du dix-huitième
siècle ; elle peut aussi s’exposer à des vicissitudes diverses, avec d’éventuels
sommeils, des discontinuités plus ou moins brutales. Quand un réveil ou un
redressement se produit, ceux qui le provoquent ont tendance à se dire
autorisés. Mais au nom de quoi et de qui ? Surtout, après de longues
décennies, puisque l’époque a changé, ils ne sont plus dans l’imitation pure et
simple de leurs prédécesseurs allégués. Ont-ils cependant des archives, des
documents, qui se lisent comme un testament ? Dans l’affirmative, on les
reconnaît effectivement comme des héritiers. Dans la négative, ils attirent le
soupçon. D’où l’importance des patentes et autres chartes de constitution. (…)
On
en conclut que, de métamorphose en métamorphose, la tradition templière,
notamment dans sa composante éthique, peut fort bien avoir des émules aujourd’hui,
les qualités chevaleresques étant érigées en paradigme. En revanche mieux vaut
laisser aux illusionnistes l’argument de la filiation. Il était jugé capital à
l’époque de Hund. C’est pourquoi on faisait grand cas de la liste fournissant
sans interruption le nom des grands maîtres supposés avoir dirigé l’Ordre après
la mort de Jacques de Molay. Rien ne permet aujourd’hui de lui accorder la
moindre valeur. Tout porte à penser que les jacobites n’y croyaient pas non
plus, et sans doute le facétieux Marischal dont les excursions dans le romanesque
suffisaient à combler les libertés de son imagination. »
Cette
nouvelle contribution à l’histoire de la maçonnerie templière clarifie nombre de
points historiques mais aussi les enjeux tant sur le plan des communautés maçonniques
concernées que sur la possibilité d’un rapport individuel lucide et créatif à
la question templière.