A l’occasion, en 2003,
de la célébration du bicentenaire de la disparition de Louis-Claude de
Saint-Martin (1743 – 1803), le Centre International de Recherches et d’Etudes
Martinistes a publié une Charte pour le
XXIème siècle des Ordres Martinistes. Ce document destiné à rappeler les
principes propres au courant martiniste et ses œuvres connut une large
diffusion. De nombreux ordres martinistes, loges ou cercles, ont su
s’approprier ce document comme outil de travail.
A la même époque, le CIREM décida de rédiger un document
similaire pour le mouvement des églises gnostiques. Le projet, longtemps mis de
côté, fut repris ces derniers mois pour aboutir à une Charte pour le XXIème siècle des Eglises Gnostiques que vous
trouverez ci-dessous. La charte est également disponible en anglais, espagnol,
portugais, italien.
Charte
pour le XXIème siècle
des Églises gnostiques
En hommage à T.
Jacques (Robert Amadou[1])
Introduction
Tout au long du siècle passé, l'histoire des Églises
gnostiques demeura riche et mouvementée. En marge de l’Ordre martiniste fondé
par Papus et tout comme lui, l’Église gnostique se ramifia en de
nombreuses branches, cette arborescence fut le fruit du principe même du
mouvement gnostique composé de communautés libres.
Les Églises et Cercles
gnostiques furent tout au long du siècle passé des creusets qui permirent aux
courants illuministes, occultistes et hermétistes de perdurer ou de s'épanouir.
La liberté, la tolérance, l'esprit de recherche qui dominèrent, malgré quelques
inévitables vicissitudes, ce mouvement sans cesse renouvelé, permirent à de
nombreux questeurs de se retrouver, indépendamment de leurs chemins
particuliers, dans un véritable compagnonnage.
Le mouvement gnostique des Églises sut
aussi accueillir en son sein d'autres courants pour les préserver et les aider
à connaître un nouveau développement.
Aujourd'hui, afin que cet état
d'esprit demeure, pour que ce qui est vivant ne devienne pas figé, sont
inscrits dans cette Charte pour le
XXIème siècle des Églises gnostiques, les principes simples qui
ont contribué à leur rayonnement.
L'adoption de cette Charte est
libre, elle ne confère aucun droit, seulement les devoirs qui découlent de
l'éthique. Nul n'aura à en rendre compte, si ce n'est à soi-même et à la
Providence.
Source : CIREM. Copie encouragée.
1- Est gnostique,
celui qui a reçu le Saint Esprit, ce vent féminin, à la fois souffle et feu.
2- Est
chrétien, donc « vivant », celui qui baigne dans le feu de l’Esprit,
et en qui oeuvre ce feu. Se laissant travailler par lui, il se dirige vers
l’homme total, l’homme achevé, c’est-à-dire l’Homme.
3- La Gnose ou Connaissance est antérieure à l’apparition du christianisme. Elle
peut être définie comme « la connaissance de Dieu en moi et de moi, en
Dieu », ou « de la transcendance dans l’immanence et de l’immanence
dans la transcendance ».
4- La Gnose n’est par nature ni dualiste ni
non-dualiste même si les expressions gnostiques temporelles sont nécessairement
marquées par un dualisme fonctionnel.
5- L’Église présente un aspect
communautaire et un aspect individuel. Elle est la communauté des hommes et des
femmes en marche vers leur déification. Elle est simultanément une réalité
intérieure, expérience de l’action déifiante de chaque être par l’Esprit Saint.
6- L’Église réelle préexiste en
Christ avant toute expression institutionnelle. Qu’il s’agisse des
« grandes » églises ou d’organisations
plus discrètes, ces manifestations visibles sont des églises de désir, et non des
lieux humains qui détiendraient une vérité exclusive.
7- Les ministères, ordonnés dans l’Esprit Saint, transmis dans la succession apostolique,
légitimés par la communauté, assurés par la continuité des œuvres des
Apôtres et des disciples, hommes et femmes, représentent l’unique pasteur et
prêtre, le Christ. Il n’y a donc ni « nouvelle église », ni « église
détentrice de rites secrets ».
8- Si L’Église réelle est invisible, elle fait signe à travers la
prière, les sacrements, le baptême, l’Eucharistie et les Ecritures.
9- L’Église se
réalise à travers la célébration de l’Eucharistie dans toutes ses dimensions
(symbolique, alchimique, métaphysique, théurgique, sacramentelle…)
10- L’Ancien
Testament et le Nouveau Testament sont intimement liés en une unité porteuse de
sens. La Bible, complétée par des Évangiles apocryphes, doit être lue comme
ouvrant un chemin vers le Christ.
11- Au-delà des langues et par les
langues, les Écritures s’offrent en quatre sens,
littéral (ou historique), allégorique (ou typologique), tropologique (ou
éthique) et anagogique (ou mystique), ce dernier, transcendant et infini.
12- Les dogmes sont entendus, tout comme pour les
premiers chrétiens, non comme vérités exprimées mais comme véhicules
privilégiés des mystères.
13- Marie
est « forma dei » (moule actif de Dieu). En méditant le mystère de
Marie, le gnostique atteint l’état du métal en fusion et se jette en son sein.
Ainsi s’opère la gestation de sa vie nouvelle qui annonce la déification par la
grâce.
14- En Christ, Homme complet, pur et simple, tout
chrétien est uni à tous les êtres et toutes les formes de vie qu’il reconnaît
comme non séparés de lui-même.
15- Les Églises
gnostiques constituées sont une expression éphémère, à la fois écho lointain et
célébration, de L’Église réelle ou Corps mystique du Christ.
16- Le chrétien se
réintègre, et en mieux, durant que s’édifie son corps de gloire par la
liturgie, secondée de la théurgie et de l’alchimie, selon le protocole
astrologique. Chaque jour de cette vie, son homme intérieur est
renouvelé : semé psychique, il se transfigure spirituel, tandis que son
âme se corporise. Il touche dès maintenant les arrhes de la vie future. Il
transmue de même la matière du monde.[2]
17- Le
Christ demeure en ce monde par le sang et l’eau jaillis de son flanc. Caché au
monde dans le monde même qu’ils transfigurent, le calice qui les recueillit
apparaît aux cœurs purs.
Écu représentant la Crucifixion du
Christ
Vitrail de la salle du Chapitre à Batalha
(Portugal)
1514
Dessin Lima de
Freitas
[1] Robert Amadou a largement
contribué à la réflexion sur les missions des Eglises gnostiques notamment par
le texte Qu’est-ce que l’Eglise
gnostique ?, établi en collaboration avec T. Antoine et publié en 1996
par le Centre International de Recherches et d’Etudes Martinistes. Ce document
a servi de base à la rédaction de la présente Charte, construite sur le même
principe collaboratif que la Charte des Ordres Martinistes pour le XXIème
siècle, proposée par le CIREM à l’occasion du bicentenaire de la disparition de
Louis-Claude de Saint-Martin.
[2] D’après un passage du livret De la Sainte Science de Robert Amadou.