Le culte en « Esprit » de
l’Eglise intérieure » de Jean-Marc Vivenza, Editions La Pierre
Philosophale.
Jean-Marc
Vivenza accomplit ce que tout martiniste se doit de faire dans une démarche
véritablement saint-martinienne, lire les écrits de Louis-Claude de
Saint-Martin, les relire encore, afin d’étudier et d’intégrer l’œuvre du
Philosophe Inconnu dans une approche dimensionnelle et non pas, comme trop
souvent, catégorielle.
Dans
cette nouvelle proposition, Jean-Marc Vivenza explore la dimension de l’Eglise
intérieure, centrale et ultime chez Saint-Martin, essentielle dans le courant
de l’Illuminisme.
Cette
« célébration de la liturgie céleste dans le Sanctuaire du cœur selon
Louis-Claude de Saint-Martin » est présente, fortement présente, et même
décrite avec précision dans les écrits du Théosophe d’Amboise. Ce chemin de
l’intimité, non pas avec Dieu, mais de Dieu lui-même, exige en tout premier
lieu le silence, la traversée sereine des formes cultuelles et initiatiques.
Jean-Marc
Vivenza cite Louis-Claude de Saint-Martin dans L’Homme de désir :
« Toutes
les religions ont un culte et des cérémonies, toutes les doctrines religieuses
ont des pratiques sensibles. Toutes ont des formules actives, auxquelles sont
attachées des idées de puissance, qui impriment le respect, et semblent menacer
tout ce qui s’en rend l’ennemi. (…) Qu’êtes-vous, vains fantômes de la nuit,
quand le soleil s’avance majestueusement sur l’horizon, et qu’il verse, à grands
flots, sa lumière ? »
Le
propos de Jean-Marc Vivenza oscille entre l’identification de ces fantômes,
quitte parfois à leur redonner une vie qu’ils ont déjà perdue, et l’orientation
directe vers la porte, apparemment étroite, pourtant infiniment grande, de l’Eglise
intérieure, de ce Lieu de Dieu qui est aussi lieu de l’Homme. Il cherche à
donner au lecteur attentif le pressentiment de cet « en esprit et en
vérité » qui qualifie le véritable, le seul sacerdoce. Affranchissement
des conditionnements pour rejoindre la liberté de l’Esprit.
Le
travail attendu est à la fois considérable et minimaliste. Le procès décrit est
précis : Accès au Sanctuaire – Le Royaume
divin n’est pas de ce monde – Le culte d’adoration « en esprit et en
vérité » - La purification de l’âme – Absolu dépouillement et sacrifice de
la volonté – La divine liturgie dans le Sanctuaire du cœur. Il s’agit bien
de célébrer le culte « en esprit » dans une spontanéité absolue même
si, dans la dualité que nous partageons, la trace écrite, dans un paradoxe
nécessaire, fournit quelques indices de la préparation à cette spontanéité de l’être :
Mise en présence de Dieu – L’éloignement
des choses sensibles et l’anéantissement de la matière – Abandon de l’Esprit en
Dieu – Ordination de l’âme en tant que « prêtre du seigneur » -
Consécration « en esprit », des saintes espèces – La fraction
mystique du pain et l’offrande du calice afin de remonter vers « l’élément
pur » - Communion sacramentaire – Méditation et action de grâce.
On
pressent que cet interne-là n’est en rien un interne par opposition à un
externe mais une « internité » qui jaillit de la fin de toute
opposition. Toute représentation en est absente.
Jean-Marc
Vivenza tente de distinguer certains éléments de ce culte :
« S’il
se célèbre selon l’interne, cela signifie que le culte de l’Eglise intérieure s’opère
dans le silence et l’invisibilité stricte, qu’il se pratique de façon non
ostensible, rien n’en signalant la présence (…).
De
même, aucune limitation de temps ou de lieu ne vient s’imposer à la célébration de la liturgie selon l’interne,
elle peut se dérouler dès l’instant que l’âme le souhaite en n’importe quel
endroit et sans nul impératif horaire (…).
Le
culte intérieur est de dimension purement immatérielle et strictement
spirituelle, ainsi l’âme de désir prendra soin d’être vigilante au moment où le
célébrant, en lui-même, présentera en son cœur et en offrande les saintes
espèces en les élevant en esprit vers l’invisible, sur l’aspect strictement et
essentiellement céleste des substances de la consécration.
Pour
être uniquement célébré « en esprit », le culte intérieur est
néanmoins « sensible », c’est-à-dire qu’il intervient directement (…)
sur l’âme (…).
D’autre
part, souvenons-nous, que le culte intérieur permet d’accéder à la substance la
plus intime du Divin Réparateur (…).
Ainsi,
nulle formule mécanique, nul texte rédigé ou écrit par avance n’est nécessaire,
il suffit simplement de laisser le Divin réparateur prier en nous (…).
Jean-Marc
Vivenza tente de relever un défi impossible, dire l’indicible dans une langue,
la nôtre, fondamentalement dualiste, sans faire appel à la dimension poétique
favorable au pressentiment. Par une pensée construite, il cherche à pré-dire ce
qui ne se dit pas. Le dialogue, qu’en réalité il ouvre ainsi avec la pensée et
les écrits du Philosophe Inconnu, évoque, non sans netteté, le mouvement
immobile du Saint Esprit, Cela même
que les assemblées organisées s’emploient à ignorer.
Jean-Marc
Vivenza est tout à fait conscient du risque de crispation dualiste et il en prévient
le lecteur :
« Les
développements que nous venons d’exposer portant sur le déroulement du culte
intérieur, peuvent, bien évidemment, comme nous venons de le rappeler, lors de
la prière de l’âme de désir, se réunir en une seule pensée et être accomplie en
une simple et unique « oraison du silence » ; ils n’ont pas
vocation à être, à leur tour, fossilisés et récités mécaniquement, se
transformant stérilement en une mimétique imitation de la liturgie ostensible
de l’institution visible (…). »
Le
passage de l’initiation comme « imitation » à l’initiation comme « invention »
ici et maintenant, de l’horizontalité à la verticalité, de la temporalité à l’éternité,
est une Grâce par laquelle les offrandes, qu’elles soient considérées symboliques
ou réelles, se font perpétuelles.
La
proposition de Jean-Marc Vivenza ne se veut pas vérité mais bien ensemble d’indications
d’un chemin que Louis-Claude de Saint-Martin n’a cessé de nous rappeler.
Editions La Pierre Philosophale, C3 Les
Acacias, 17 avenue Eisenhower, 83400 Hyères, France.