samedi 31 octobre 2020

Les Compagnons d’Alexandrie

 

Les Compagnons d’Alexandrie par Serge Caillet. Editions de La Tarente, Mas Irisia, Chemin des Ravau, 13400 Aubagne.

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Qui sont ces Compagnons d’Alexandrie ? Ils ont pour nom, dans l’ordre d’apparition, Gérard Encausse (Papus), Charles Détré, Jean Bricaud, Constant Chevillon, Raoul Fructus, Georges Lagrèze, Jean-Henri Probst-Biraben, Henri-Charles Dupont, Henri Dubois, Robert Ambelain, Albert Audiard. Ils sont des hommes, puisqu’il n’y a aucune femme dans cette liste, des hommes de la marge, que présente avec justesse Pierre Mollier dans sa préface.

« Par un jeu de mots bien trouvé, les érudits maçonniques anglais les regroupent sous l’appellation de « Fringe-masonry ». La traduction conforme serait certainement « Maçonnerie marginale ». Je préfère entendre « Maçonnerie de la marge » en retenant le sens premier du mot, c’est-à-dire « marche », territoire de frontière. Les Rites Egyptiens s’épanouissent sur les marges de la Maçonnerie classique dans ces zones un peu insaisissables où elle touche à l’ésotérisme, l’hermétisme, voire l’occultisme. Ainsi, ils ouvrent à la voie maçonnique de nouveaux horizons et l’irriguent d’une autre sève. On y croise les églises gnostiques, les ordres martinistes, les fraternités Rose-Croix et d’autres Ordres encore plus mystérieux. »

 

 

Le point commun entre ces grands animateurs de la scène ésotérique française du siècle dernier est généralement leur relation aux rites maçonniques égyptiens pour lesquels Serge Caillet a rédigé un plaidoyer nécessaire, introduisant les portraits de nos compagnons du passé dont l’influence demeure, heureusement. Il revient sur « une histoire chaotique » mais néanmoins féconde. Les rites maçonniques égyptiens, au-delà de leurs vicissitudes auxquelles nul structure initiatique n’échappe, ont irrigué, irriguent et irrigueront encore la Franc-maçonnerie et le monde de l’initiation. Ils constituent « un conservatoire de l’occultisme » à la croisée de nombreux courants qui auraient disparus sans l’esprit insatiable de curiosité et d’aventure de ses membres.   

Serge Caillet revient aussi avec sagesse sur la question des grandes hiérophanies, Cagliostro étant pour lui le « modèle du grand hiérophante », une fonction spirituelle qui n’a pas « à être assumée par une seule personne à la fois ».

« Le grand hiérophante, les grands hiérophantes de Memphis-Misraïm, en véhiculent la tradition, ils en portent l’esprit, et, dit-il, cet esprit du reste est libertaire. Voilà tout. »

Le mot importe, tout procès initiatique est d’essence libertaire. Il libère en rapprochant de sa propre nature, originelle, ultime, permanente.

Enfin, Serge Caillet rappelle la finalité de ces rites qui réside dans les voies internes ou voies d’immortalité en évoquant une « Egypte intérieure » :

« Et pourtant, l’enfant Jésus reçut asile en Egypte, et il ouvre la porte de l’Egypte intérieure à laquelle conduisent déjà les sciences d’Hermès. Parlons astrologie : rien de plus haut ; parlons alchimie ; rien de plus pur ; parlons magie : rien de plus profond en l’homme que la Sagesse divine révélée dans les sciences d’Hermès, sublimées dans les voies internes. Ici se tient la principale spécificité, qui fait le vrai secret de Memphis-Misraïm, l’arcane des arcanes de l’Egypte intérieure, loin des chimères, des querelles dérisoires et des ambitions humaines ridicules. L’image, ô combien imparfaite, ô combien déroutante de Memphis-Misraïm, est ainsi sublimée dans le modèle à atteindre, d’un Dieu qui est Amour. « Devenir Dieu, voilà le but du disciple d’Hermès, et les trois sciences occultes concourent, au bout du compte, à l’y acheminer », écrivait Robert Amadou. »

Suivent les très beaux portraits de ces porteurs de lumière qui, malgré leurs faiblesses, simplement communes aux êtres humains, leurs erreurs, parfois leurs fautes, ou grâce à elles, ont tenu bon leurs engagements face aux multiples adversités rencontrées. Si ces portraits regorgent de repères historiques, fort utiles, ils démontrent surtout la profonde humanité de ces hommes et leurs apports indiscutables au monde traditionnel. Serge Caillet ne leur offre pas un tombeau, fusse-t-il fleuri avec magnificence, mais les fait marcher à nos côtés, vivants, dans ces « marges » qui se font « centres » pour qui sait les explorer.