L’esprit du Saint-Martinisme de Jean-Marc Vivenza. Editions La Pierre Philosophale, C3 Les Acacias,
17 avenue Eisenhower – 83400 Hyères, France.
Jean-Marc Vivenza rassemble dans ce gros volume un grand nombre d’articles
et de travaux déjà publiés et diffusés sur différents supports, sur internet ou
autre.
Ce livre sert essentiellement à justifier et soutenir le projet développé
depuis plusieurs années par Jean-Marc Vivenza à travers la Société des
Indépendants et la notion de « Saint-Martinisme » qu’il oppose à
celle de « Martinisme », considéré sans grande nuance comme détourné
si ce n’est dévoyé.
Il est dommage que Jean-Marc Vivenza s’exprime trop souvent « contre »,
créant, ou nourrissant, des polémiques stériles suite à des crispations
dualistes alors que, par ailleurs, il diffuse une vraie matière pour la voie
interne proposée par Louis-Claude de Saint-Martin. C’est à cette matière que nous
allons nous intéresser.
La première partie de l’ouvrage retrace la vie de Louis-Claude de
Saint-Martin et sa « carrière » spirituelle et initiatique.
La deuxième partie traite « Du Martinisme papusien au « Saint-Martinisme »,
débutant avec la société idéale imaginée par Saint-Martin, cette « Société
des Indépendants » « ayant son séjour dans l’invisible, ne possédant
pas de cadre et des contours définis en ce bas-monde, regroupant des âmes de
désir sincères aspirant, avec sincérité, à la participation aux lumières
célestes » pour terminer par l’organisation actuelle et tangible d’une « Société des Indépendants »
qui voudrait manifester l’esprit de celle envisagée par Saint-Martin. Nous en
trouvons en annexe l’ordonnance de constitution au sein du Grand Prieuré des
Gaules. Remarquons que la « Société des Indépendants » de
Saint-Martin n’est pas sans rappeler la « Nouvelle Eglise » de son
illustre prédécesseur Emmanuel Swedenborg. Là aussi, certains crurent bons de
constituer dans la forme cette église intérieure, la New Church, aujourd’hui
très active. Cependant, il est peu probable que Swedenborg aurait approuvé une
telle tentative d’incarnation. Ce schéma commun et ambivalent se retrouve d’ailleurs
avec la Rose-Croix idéale ou imaginale et ses nombreux avatars.
La troisième partie commence à rassembler cette matière dont nous
parlions en insistant sur le procès identifié par Saint-Martin pour conduire au
« nouvel homme » puis à « l’homme-esprit ». La prière se
fait alors « théurgie véritable selon l’interne.
La quatrième partie est consacrée à Louis-Claude de Saint-Martin et la
théurgie des Elus Coëns. Une nouvelle fois, Jean-Marc Vivenza appelle à rejeter
la théurgie des Elus Coëns en s’appuyant sur les réticences de Saint-Martin
énoncées à son sujet. L’affaire est plus complexe et mériterait un long
développement qui n’a pas sa place ici. Jean-Marc Vivenza qui n’hésite pas à
publier trois lettres de Robert Amadou en caution de son projet, qui n’en a nul
besoin, ne dit mot de la reprise demandée avec insistance, dans les années 90,
des opérations coëns, par Robert Amadou à des individus qui n’en avaient pas nécessité,
car, disait-il, « il y a urgence ». Le même stigmatisait ceux qui, se
disant coëns, n’opéraient pas. En effet, il est oublié dans ce faux débat sur
la théurgie coën, que le culte servait moins au cheminement individuel qu’à l’équilibre
spirituel global, vertical et horizontal, de l’humanité. Et, il était bien entendu
que l’usage fait de la théurgie coën se faisait « faute de mieux ». Aujourd’hui,
ceux qui invitent le plus souvent et raisonnablement les candidats à cette
théurgie à se tourner vers des pratiques plus simples et plus directes sont les
rares individus qui ont réalisé la totalité des opérations théurgiques des Elus
coëns, les seuls à savoir de quoi il s’agit réellement et à pouvoir en parler.
Le reste de l’ouvrage est la partie la plus intéressante et la plus
importante puisqu’elle met en perspective les écrits de Louis-Claude de
Saint-Martin pour identifier la voie interne en ses paramètres et constituants :
Saint-Martin et la question du sacerdoce de l’Eglise – Prière du Cœur et
oraison intérieure selon Louis-Claude de Saint-Martin – Le rôle de la « grâce »
dans la prière intérieure – Jacob Boehme, le « prince des philosophes
divins », premier maître de Louis-Claude de Saint-Martin selon l’Esprit –
L’essence métaphysique du « ministère de l’homme-esprit » - La
doctrine de l’Eglise intérieure : réalité matérielle apparente et « voie »
spirituelle du silence – La vie secrète de Dieu dans l’âme – « La
conscience intérieure de Dieu, ou la révélation
de la Présence divine.
Il y a en nous, écrit Jean-Marc Vivenza, une « conscience », c’est-à-dire
un être pensant qui est, et lui seul, capable en ce monde de servir de reflet à
la Divinité dont tout ce qui est et subsiste dans l’être provient et a reçu l’existence ;
cette « conscience » est le témoignage vivant et sensible de la
réalité de l’âme en nous, comme elle est appelée également, dans son « opération »
propre, à devenir le signe manifesté de la « Source universelle » et
le miroir de la présence divine (…)
Formons le vœu que de la connaissance de ces mystères intérieurs de l’âme,
la lumière de la « Révélation » divine vienne illuminer tout notre être
en plénitude, de sorte de former une seule « Unité » indéfectible, à
chaque instant de notre vie spirituelle, avec l’éternelle source de la Vérité. »
Une fois écartés les inévitables adhérences dualistes, les pièges du
langage et les idiosyncrasies de l’époque, la pensée de Louis-Claude de
Saint-Martin recèle une remarquable voie directe, âpre et difficile mais aussi
d’une rare beauté et d’une infinie profondeur. Jean-Marc Vivenza contribue
largement, avec ce livre, à distinguer cette voie saint-martinienne pour s’y
engager résolument.