Martines de Pasqually et les Elus Coëns, exégètes et ministres du
judéo-christianisme de Dominique Vergnolle. Editions de La Tarente, Mas Irisia,
Chemin des Ravau, 13400 Aubagne.
Dominique
Vergnolle propose aux martinésistes et plus largement aux martinistes un
excellent travail, rigoureux et approfondi sur la doctrine de la réintégration
telle que Martines de Pasqually l’a proposée aux membres de l’Ordre des
Chevaliers Maçons Elus Coëns de l’Univers, notamment dans son célèbre Traité de la réintégration des êtres dans
leur première propriété, vertu et puissance divine. Doctrine et pratique
car tout, chez Martines, invite et conduit à la pratique des opérations
théurgiques de réintégration. Quiconque ignore ces opérations ne peut que
demeurer étranger aussi bien à l’intention ou à la finalité qu’au chemin
lui-même.
D’apparence
maçonnique par sa structure, l’Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de
l’Univers est voué à la célébration du culte primitif. « Car, précise
Serge Caillet dans sa préface, les élus coëns sont les prêtres du culte
primitif, élus comme tels dans le service de la chose, qui est la Présence de
Notre Seigneur Jésus-Christ. Mais le culte primitif célèbre, avec la
participation des anges, la liturgie cosmique, qui n’est pas à confondre avec
la liturgie céleste à laquelle ressortit la liturgie ecclésiale. »
Cette
question de la congruence éventuelle de l’enseignement et des pratiques des
élus coëns avec un christianisme qui se différencierait plus ou moins du
judéo-christianisme va d’ailleurs resurgir maintes fois dans l’ouvrage.
Toujours
dans la préface, Serge Caillet liste les « propositions » véhiculées
par la doctrine martinésienne qui sont analysées par Dominique Vergnolle :
l’amour divin, la liberté, l’émanation, la Trinité, le Christ, l’image et la
ressemblance, Eve, la chute, le statut de la matière, les formes glorieuses, la
réintégration… Il invite le lecteur, point essentiel, à ne pas faire de la
doctrine un dogme et de figer ainsi ce qui n’est que processus vivants.
La
doctrine de Martines n’est pas toujours claire, notamment parce qu’elle répond
à des questionnements de ses disciples qui sont pris dans les interrogations de
leur époque mais l’ultime réponse sera toujours, et Robert Amadou insistera sur
ce point, dans les opérations elles-mêmes.
La
première partie de l’ouvrage est consacrée à des points fondamentaux de la
doctrine. Ils contribuent à préciser la métaphysique de Martines de Pasqually,
qui prend appui, singulièrement, sur les nombres. Dominique Vergnolle donne de
la perspective aux « actions divines », aspect essentiel de la
doctrine, qui règlent ainsi une économie de la Création, nous pourrions parler
aussi sans doute d’une écologie de la création par les équilibres systémiques
qui en découlent. Il poursuit par une réflexion, là encore aux fondements de la
pensée martinésienne, sur le quaternaire et le ternaire. Nous sommes souvent
avec Martines de Pasqually sur des universaux qui n’en sont point. Quaternaire
et ternaire chez Martines diffèrent des approches d’autres traditions. Il
convient de prendre le temps de comprendre de quoi il parle. Ce livre y
contribue.
La deuxième partie de l’ouvrage traite de
« Quelques considérations sur l’ordre coën et le martinésisme. Dominique
Vergnolle revient notamment sur le Tableau universel, examine la progression
des grades et leurs rapports avec l’exercice du culte primitif, aborde enfin
quelques points historiques.
La
dernière partie approche l’essentiel c’est-à-dire les travaux des élus coëns ou
tout au moins certains travaux comme le rituel de la bougie et du mot du
centre, certaines invocations, leur sens, leur places, l’ordination des
Réau-croix. Il traite aussi, sans faire le tour du sujet du fameux double V du
centre des tapis opératoires. Enfin, avec justesse et sagesse, il écarte la
qualification de voie externe souvent attribuée à la voie martinésienne, nous
sommes en effet au-delà des oppositions et classifications dualistes.
En
conclusion, tout comme Martines de Pasqually, tout comme Robert Amadou et tous
ceux, rares, qui se sont réellement engagés dans cette voie, il invite à
opérer :
« Être
martinésiste ne signifierait rien si le travail n’amenait pas, un jour ou l’autre,
le cherchant à la pratique des opérations enseignées par le Grand Souverain.
Car, tout dans son œuvre prépare et engage aux opérations. La doctrine qui est
développée n’a pour but que d’amener chaque futur opérant à une pratique
intelligente et éclairée, consciente et réfléchie des travaux de l’Ordre. Car
le Coën n’est pas un érudit en sciences spirituelles, mais un être que la
pratique a amené sur les voies de la Vérité. L’étude seule ne suffirait pas à
assimiler et vivre l’initiation proposée. »
Cet
ouvrage contribue à la fois à la compréhension et à la pratique de cette voie
de réintégration. Il sert ainsi les quelques individus qui, malgré les
difficultés, se sont engagés dans ce chemin au bénéfice du plus grand nombre.