Mystérieux
Baphomet, tête magique des Templiers de Jean Chopitel et Christiane Gobry,
le Mercure Dauphinois.
C’est
l’un des sujets les plus fantasmés de l’ésotérisme occidental. Le mythe
protéiforme du Baphomet cristallise les peurs, les rumeurs, les manipulations
et les pires préjugés qui jaillirent lors du célèbre procès des Templiers
orchestré par Philippe le Bel et le pape Clément V pour des raisons très
politiciennes. L’existence même du Baphomet, idole supposée, est incertaine
tant les descriptions divergent. L’origine du nom même est difficile à établir.
Il semble qu’à l’origine, si origine il y a, l’idole en question ne portait
aucun nom.
Les
auteurs nous proposent d’approcher le Baphomet dans la perspective de
l’entendement spirituel, en évitant aussi bien la fantaisie que le scandale.
Jean
Chopitel et Christiane Gobry notent que « les représentations répertoriées
comme Baphomets sont ultérieures à cette époque et parfois même datées de
quelques siècles seulement avant la nôtre ». S’ils privilégient l’étude
des représentations sous la forme d’une tête barbue et cornue et de ses
variations c’est parce que les représentations de têtes coupées et miraculeuses
comme symboles de régénération ou d’immortalité sont une constante des traditions
grecques, latines, pré-celtes et celtes notamment, et ceci bien avant l’avènement
de l’Ordre du Temple.
« Nous
assimilons, précisent-ils, notre poursuite du Baphomet à la recherche du secretum templi ou du « trésor du
Temple », appelée également quête du Graal ou de la Parole Perdue. »
Le Baphomet se présente pour eux comme une puissance favorisant la métanoïa.
Jean
Chopitel et Christiane Gobry rappellent tout d’abord l’exigence initiatique qui
caractérisait probablement les templiers au tout début de leur mission,
exigence bien difficile à mettre en place et maintenir de nos jours si agités :
« Il
faut avouer néanmoins que l’exigence d’autrefois, à propos du choix des
postulants (en Chevalerie et en Franc-maçonnerie, par exemple) est actuellement
très difficilement envisageable à cause de l’affaiblissement global de la
conscience spirituelle. (…)
Dans
un tout autre registre, on rencontre de nos jours de puissantes organisations
pseudo-initiatiques (sans aspiration traditionnelle et spirituelle d’ailleurs),
qu’il faut simplement considérer comme des sociétés d’imposteurs. L’anarchie
qui règne en leur sein se manifeste par des aménagements fantaisistes, des
compromis et des abus de pouvoir proprement scandaleux. »
Lucides
donc sur l’état de la scène ésotérique occidentale, ils reprennent la
distinction classique entre chevalerie profane, chevalerie spirituelle
temporelle, une chevalerie célestielle et initiatique, johannite, véhicule de l’ésotérisme
chrétien et d’une gnose. Ils rendent compte de la règle secrète du Temple dite Règle de Rocelin dont l’authenticité
reste incertaine mais qui est intéressante par ses références gnostiques et
johanniques justement. Cette règle est un élément du mythe templier et des
intrications néo-templaristes actuelles.
En
recensant les très nombreuses origines possibles du mot baphomet, étymologiques ou cryptologiques, Jean Chopitel et
Christiane Gobry veulent montrer qu’elles pointent souvent vers la Sophia, la
Sagesse, l’aspect « féminin » de Dieu. De même, les multiples
représentations et leurs interprétations allant du diabolique au divin, font
lien pour certains chercheurs avec la Sainte Face du Christ.
En
s’orientant vers l’analyse de l’acéphalité, de la bicéphalité ou d’autres
polycéphalités, les auteurs ouvrent une perspective passionnante. Nous
approchons là en effet des dimensions essentielles de l’imaginal qui s’inscrivent
dans le symbolisme traditionnel, symbolisme des cornes, de la barbe, de l’androgynat,
etc.
L’acéphalité
reste un symbole de dé-mentalisation, « thérapeutique supérieure des
désordres de l’âme et du corps » et ouvre vers les voies d’éveil :
« La
raison de l’initiation étant justement l’abandon du corps grossier, physique et
psychique, au profit du corps glorieux, il est évident que celui qui s’engage dans
cette voie doit prendre les moyens de se dé-mentaliser effectivement. Cet
acte est tout particulièrement figuré par la décapitation symbolique contenue
dans le signe essentiel de l’initié Apprenti franc-maçon. »
Enfin
le Baphomet, notamment pour et par Fulcanelli a à voir avec l’alchimie. Fulcanelli
voit dans le Baphomet, bapheus mete,
une référence à la teinture alchimique. Ses représentations symboliques
renvoient également aux principes alchimiques.
Au
fil des pages, c’est l’impossibilité à dire, à représenter, à penser le
Baphomet qui s’impose. Comme indicible et insupportable à la vue, il renvoie
aussi bien au Saint Graal qu’à la Sainte Face de Dieu. Plus important que l’objet,
forcément éphémère et de la nature du vide, c’est bien le procès initiatique qu’il
induit qui importe.
Cet
ouvrage aux multiples facettes vise aussi bien à éloigner des représentations
trompeuses qui polluent le templarisme qu’à ouvrir vers le simple.
Editions Le Mercure Dauphinois, 4 rue de
Paris, 38000 Grenoble – France.