Les
Leçons de la Haute Magie
de Sarane Alexandrian, Editions Rafael de Surtis.
Deuxième livre posthume de Sarane
Alexandrian, Les Leçons de Haute Magie
viennent éclairer un aspect singulier de la personnalité riche et surprenante
du second penseur du Surréalisme après André Breton. La pensée et l’œuvre de
Sarane Alexandrian explorent toutes les dimensions de la psyché, à travers
l’art et la littérature bien sûr, notamment d’avant-garde, mais également à
travers l’érotologie, l’hermétisme et la philosophie occulte. Le choix d’une
alternative nomade aux impasses de tous les conformismes ne pouvait que
conduire Sarane Alexandrian à l’étude de pensées et praxis autres, constantes
cependant de l’expérience humaine.
Les
Leçons de Haute Magie
font partie d’un ensemble, intitulées Idées
pour un Art de Vivre dont elles forment le quatrième volet. Le premier
volume, La Science
de l’être traite des étapes de l’acheminement de l’être. Le deuxième, Le Spectre du langage, interroge la
littérature, l’imaginaire et la poésie. Le troisième, Une et un font Tout aborde la question de la nature féminine, et
des fantasmagories des rapports amoureux, question qui trouve son prolongement
dans ce quatrième volume. Le cinquième, Court
traité de métapolitique, s’intéresse aux travaux de Charles Fourier qui lui
était cher, et pose les bases d’une politique transcendante. Le sixième, L’Art et le désir, est consacré à une
esthétique ontologique et à une synthèse des arts.
Comme le remarque Christophe Dauphin dans son
introduction, cette œuvre se trouve à la croisée de multiples influences, André
Breton, Charles Fourier, Aleister Crowley, Cornélius Agrippa notamment mais
elle est aussi porteuse d’une profonde
originalité. « Vérités nécessaires » ou « mensonges provoquant
la rêverie », l’œuvre de Sarane Alexandrian veut éveiller au réel.
Il distingue non sans pertinence, ésotérisme,
hermétisme et occultisme, même si ces distinctions sont parfois difficiles à
établir, afin de poser les jalons d’un enseignement qui vise une structure
absolue, un principe dégagé des surimpositions culturelles et personnelles. Les
Leçons traitent de l’âme et de
l’esprit, du monde occulte, de la métaphysique, de la phénoménologie des
superstitions populaires, d’une ontologie de la mort, du Rêve de l’Erotisme Mystique de Joséphin Péladan et, enfin, du Livre des Rêves de Luc Dietrich. Les Leçons, apparemment disparates,
constituent bien un ensemble cohérent, non destiné à rassurer le lecteur, mais
plutôt à le constituer comme un libre aventurier de l’esprit.
On ne suivra pas Sarane Alexandrian sur son
peu de considération pour Gurdjieff, son contre-sens, il est vrai courant, sur
la quatrième voie, ou au contraire sa surestimation de Papus, certes excellent
vulgarisateur et organisateur mais sans doute pas comme il l’avance « meilleur
théoricien de l’occultisme qu’Eliphas Lévi ». On appréciera son analyse
subtile de ce qui est en jeu dans la nécessité que connaît l’homme d’explorer,
parfois avec maladresse, l’invisible, l’inconnu, l’indicible, le néant et la
totalité. Le sens de la queste et son intransigeance ont pour corollaire une
peur originelle qui pousse l’être humain à s’extraire des conditionnements, à
s’affranchir des limites, à traverser, parfois sans ménagement, ce qui se
présente, parfois au prix d’une vérité, parfois au prix d’un mensonge
salutaire.
Son analyse de la sexualité transcendante de
Péladan est très juste, même si Sarane Alexandrian n’arrive pas à discerner
clairement entre magie sexuelle,
sexualité magique et alchimie interne. Il montre comment Péladan, à travers
différents livres, présente les voies de couples et les différentes étapes de celles-ci.
Celui qui a « glorifié l’érotisme sacré » ne pouvait que trouver en
Sarane Alexandrian un lecteur non seulement attentif et passionné mais capable de
le comprendre. L’érotologie de Sarane Alexandrian, le « sceptique intégral »
ou le « gnostique moderne » que l’on lit aujourd’hui, n’est pas
éloignée de celle de Péladan, « premier représentant de la mystique
érotique dans la littérature moderne » qu’on ne lit plus, malheureusement.
Les
Leçons de Haute Magie
introduisent à de nombreuses dimensions cachées de l’être. Elles témoignent
également de la liberté de cet « homme remarquable », au sens le plus
gurdjieffien qui soit, qui, en des temps hostiles, a osé traiter avec la
distance nécessaire de sujets trop souvent tabous.
Editions
Rafael de Surtis, 7 rue Saint-Michel, 81170 Cordes-sur-Ciel, France.