Iconographie du Rite
Ecossais Rectifié, deux volumes par Tomas
Grison. MdV Editeur, 16 bd Saint-Germain, 75005 Paris –
France.
Nous
retrouvons Thomas Grison, passionné par l’iconographie symbolique, qui nous a
déjà offert, entre autres, un ouvrage consacré au symbolisme de l’épée.
Il
s’intéresse ici à l’iconographie singulière du Rite Ecossais Rectifié à la
croisée de deux référentiels qui structurent le rite, le référentiel
templariste, salomonien dans sa dimension maçonnique, et le référentiel de la
doctrine de la réintégration de l’Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de
l’Univers que Jean-Baptiste Willermoz a voulu préserver au sein du RER.
Thomas
Grison analyse les tableaux des quatre grades, d’Apprenti, Compagnon, Maître et
Maître Ecossais de saint André et soulève les particularismes de leur iconographie :
« Quant
au R.E.R., remarquons qu’il affiche encore une fois son originalité dans le
paysage maçonnique car, si les motifs donnés à voir dans les tableaux de grade,
trouvent, ici comme ailleurs, leurs sources d’inspiration dans la littérature
emblématique, la colonne tronquée (grade d’Apprenti), la pierre cubique sur
laquelle est posée une équerre (grade de Compagnon) et, surtout le vaisseau démâté
(grade de Maître), ou le lion jouant avec des outils mathématiques (grade de Maître
Ecossais de saint André), restent des exceptions qui soulignent le
particularisme d’un Rite à la fois dépouillé et intense, en même temps qu’ils
illustrent – de la plus heureuse des manières à notre avis – le caractère
spécifique d’une doctrine qui, ancrée dans la théosophie mystique du XVIIIème
siècle, n’en perpétue pas moins une tradition chrétienne qui entend remonter à
l’aube de l’humanité. »
Pour
chaque tableau, Thomas Grison explore différents regards symboliques pour arriver
à ce qui typifie le rite. Ainsi, pour les colonnes du grade d’Apprenti, il
traite des colonnes de feu et colonnes de nuées, des colonnes du Temple de
Salomon, du Temple comme image du monde, de la colonne de vérité, de la colonne
dans les livres d’emblèmes, de la colonne, l’homme juste, du Temple intérieur
avant d’aborder la colonne brisée. Cela permet au lecteur de se référer aux
symboliques courantes, notamment vétérotestamentaire ou emblématique, avant de
placer le symbole dans le contexte de la doctrine de la Réintégration, comme référence
à la seconde chute.
Thomas
Grison insiste sur la subtilité d’écriture de Jean-Baptiste Willermoz qui
procède par allusions et phrases lapidaires. S’il clarifie des pans entiers de
la doctrine de Martinès de Pasqually, Willermoz n’en est pas pour autant
explicite. La sagesse se mérite. Thomas Grison en appelle souvent à
Louis-Claude de Saint-Martin, tout aussi clair mais beaucoup plus prolixe, dont
les développements permettent de mieux saisir les enjeux symboliques et,
consécutivement, opératifs. Ainsi, à propos de la tête de mort,
traditionnellement présente dans le Cabinet de réflexion :
« D’une
manière subtile dont nous avons compris qu’elle est presque sa marque de
fabrique, Jean-Baptiste Willermoz semble n’avoir recours au crâne sur deux os
en sautoir que pour nous rappeler l’état de privation dans lequel se trouve l’homme
depuis la Chute. Cette privation (de lien avec Dieu), qui est au cœur de la pensée
de Louis-Claude de Saint-Martin et du Régime Ecossais Rectifié, prend ici un
caractère particulièrement remarquable, en ce sens qu’elle doit être mise en
parallèle avec l’absence de la croix sur les représentations. Cette absence,
comme nous devons le souligner, demeure en parfaite adéquation avec une
doctrine qui tient pour acquises à la fois la déchéance de l’homme depuis la
faute adamique, et la possibilité d’un retour à l’innocence originelle qui
passe par la soumission à la Justice divine. Pour Jean-Baptiste Willermoz, l’homme
privé de Dieu vit dans une ignorance et un aveuglement dont nous devons croire
qu’ils renvoient, sur le plan intérieur ou spirituel, au domaine de la mort. Dans
le cheminement proposé par le R.E.R., tout le travail consiste donc, en quelque
sorte, à « faire mourir la mort en soi afin que la vie soit enfin
victorieuse ». Mais il faut comprendre surtout que ce retour à la vie,
selon la voie du R.E.R., consiste surtout, et essentiellement, à prendre le
Christ pour modèle afin de vivre dans le Christ et par lui, au sens où l’entendait
déjà saint Paul. En ce sens, le crâne sur les os en sautoir peut être entendu
comme un résumé, sous forme voilée, du processus initiatique qui s’offre au
maçon rectifié. »
Le
propos est intéressant, même si l’on pourrait y opposer la présence d’une croix
formée par les os, car il insiste sur la finalité du procès initiatique de la réintégration,
présente à chaque étape des rituels du RER, ce qui donne sa remarquable
cohésion à ce rite.